1. Noblemur

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La sonnerie diffusée dans les quelques haut-parleurs restants de la ville annonçait sept heures. Tous les habitants de Noblemur se réveillèrent en même temps sauf un, Abhel qui était éveillé depuis déjà longtemps suite à un de ses cauchemars qu'il refaisait chaque nuit. C'était toujours plus ou moins le même songe : il revoyait tous ses camarades se faire tuer sans rien pouvoir faire, ou bien être capturés et torturés par des hommes-rats, et finissait par se réveiller en sueur avec dans sa main l'arme qu'il gardait près de son lit, une sorte de pistolet pouvant tirer des munitions normales et explosives.

C'était un loxodon, un homme à la tête d'éléphant d'assez grande carrure et d'une centaine d'année, cette espèce ayant une longévité de plus de deux cent ans. Il avait participé à la guerre contre les hommes-rats et y avait laissé toute sa famille et ses amis.

Abhel se dirigea vers la sortie de sa maison, un appartement au dernier étage d'un immeuble meublé seulement d'un lit, d'une armoire, d'une lampe et d'une radio. La porte d'entrée donnait sur un balcon avec une tyrolienne électrique qui menait sur le toit du bâtiment d'en face et un escalier colimaçon qui prenait pied en bas de chez lui. 

Le bâtiment en question était un centre de ravitaillement. Dans chaque quartier de la ville, un de ces centres était aménagé et tous les matins et soirs, les habitants allaient chercher leur ration de nourriture.

Il allait prendre la tyrolienne comme tous les matins quand Zograth, son voisin d'en bas l'interpela :

-Salut Abhel, t'as écouté la radio hier soir ?

-Non elle est en panne. Pourquoi ?

-Donc tu n'es pas au courant... Enders fait un discours sur la grand place ce matin à huit heures.

-Ah d'accord ! Merci beaucoup Zograth !

Enders était le maire de la ville. Son rôle était principalement de communiquer les décisions aux habitants, de parler pour son peuple aux hommes-rats ainsi que décider quoi faire dans les moments de crise. Le reste du temps, pour prendre des décisions, toutes les personnes de confiance à Noblemur votaient. Abhel en faisait partie.

Il glissa jusque sur le toit du centre, puis descendit le long d'un escalier en ferraille installé il y avait peu. Quand il arriva au niveau du comptoir, un robot lui scanna sa puce électronique afin de vérifier qu'il n'avait pas encore prit sa ration, puis fut servit. C'était une cuisse de seratis, animal ressemblant à un kangourou généralement utilisé pour la fabrication de certains types de tissus, aromatisée avec quelques herbes. Un humain sur le comptoir d'à côté se plaignait à un cuisinier qui passait par là : 

-Nous n'avons pas de légumes aujourd'hui ? Ce n'est pas dans ces conditions que je vais pouvoir réparer vos maisons !

-Désolé mon cher mais nos cultures se sont faites décimer par la dernière vague de chaleur, alors pas de légumes avant la fin de la semaine, répondit-il.

-Et alors ? On a tous besoin d'énergie ici ! J'exige une deuxième ration !

-Je comprends que vous soyez sur les nerfs après la disparition de votre femme, mais ce n'est pas une raison pour mal me parler ! Ce n'est pas de ma faute si il n'y pas de légumes, donc adressez-vous aux agriculteurs si ça vous pose tant problème !

Sa femme n'avait pas réellement disparu : elle s'était faite emporter par les hommes-rats, il y avait deux semaines de cela.

-C'est ça oui, je suis sur que t'as tout gardé pour toi ! hurla-t-il en sortant à grandes enjambées.

Abhel sortit et s'assit sur le bord de la rue pour manger. Depuis la guerre, où il avait vu tous ses camarades mourir dans la bataille, il mangeait toujours seul, à l'écart. Après le repas, il se dirigea vers la grand-place, au centre de la ville. Sur le chemin, les rues et les bâtiments étaient sales, en ruine, et rien ne laissait transparaître la beauté d'antan de Noblemur. 

Arrivé à destination, un loxodon se tenait sur une scène avec un haut-parleur dans sa trompe. Quand une grande partie fut arrivé, il commença :

-Bonjour à toutes et à tous ! Je...

Des sirènes retentirent soudain, et le coupèrent dans son discours. Plusieurs cris se firent entendre :

-Les hommes-rats ! Les hommes-rats ! Ils sont là !

Les survivants de Rasmus, TOME 1Место, где живут истории. Откройте их для себя