Chapitre 7 - Riley

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"I'm not the man they think I am at all, 

Oh no no no"

Elton John & Dua Lipa - Cold heart


— Ton beau-père est encore là.

Je jette un œil à Ashley, l'une des serveuses du Saxo avant de reporter mon attention sur le fond de la salle.

— Ce n'est pas mon beau-père, réponds-je avant de boire un verre d'eau d'une seule traite.

— C'est tout comme.

Je soupire, ne trouvant rien à répondre. Cela fait bientôt 6 mois que Jax et ma mère sortent ensemble. 6 mois de paix, 6 mois de plats faits maison, 6 mois durant lesquels Dolorès reprend progressivement pied et paraît, aujourd'hui, être redevenue la femme qui m'a élevée. Je dis bien paraît car malgré ses sourires et ses rires audibles, malgré la baisse de sa consommation d'alcool, je sais qu'elle ne sera plus jamais épanouie. Impossible. Pas avec tout ce qu'elle a vécu ces deux dernières années. Ses nuits de débauche, la drogue et l'alcool saturant ses veines, ont laissé une marque indélébile sur sa peau et sur son cerveau. Même si elle paraît aller mieux, ce semblant d'équilibre retrouvé est terriblement fragile. Un rien pourrait le briser et pour le coup, ce serait pire que le jour où mon père est parti. J'espère ne plus être là le jour où elle tombera à nouveau.

— Il est sympa de veiller à ce que tu rentres saine et sauve. En plus, il est sacrément sexy !

— Si tu le dis, marmonné-je.

— Tu sais ce qui est génial ?

— Dis toujours.

— C'est qu'il est dans ma section !

La mine tendancieuse d'Ashley m'arrache un rire. Je secoue la tête. Oui, Jax est pas mal dans son genre mais il ne m'attire pas. Rien que de l'imaginer avec ma mère m'enlève toute pensée salace que je pourrais avoir à son égard. Je lui adresse un sourire crispé lorsqu'Ashley lui apporte sa consommation en exagérant son décolleté plongeant. L'homme lui prête à peine un regard le temps de récupérer son verre et de lui glisser un billet dans la main. L'air déçu de ma collègue me fait lever les yeux au ciel.

Il arrive souvent que Jax m'attende au Saxo à la fin de mon service. Il s'installe, prend un verre et le sirote pendant que je chante sur scène, puis il me raccompagne à la maison. Sa façon à lui de veiller sur moi en plus de faire en sorte que ma mère ne me touche plus. Nous nous sommes beaucoup rapprochés ces derniers temps. Sa gentillesse et sa compassion à mon égard ont fait que j'ai rapidement accepté son entrée dans nos vies. Pas que j'aie eu le choix, mais même si je l'avais eu, je l'aurais accueilli à bras ouverts.

Le plus c'est que depuis qu'il est là, mes dépenses se sont considérablement amoindries. Au contraire, les billets à l'abri dans ma cachette ont presque doublé de volume.

— A ton tour, Riley !

Je grogne sans répondre à Grace et me dépêche de monter sur scène. Mon malaise est probablement visible face aux quelques spectateurs restés jusqu'à la fermeture mais j'ai appris à l'occulter. Il me suffit de me remémorer que je ne fais qu'un bruit de fond pendant que les gens quittent la salle. Et ce soir, mon bruit de fond ressemblera étrangement à The first time ever I saw your face de Roberta Flack, l'un de mes titres préférés. Tony entame les premières notes au piano et je ferme les yeux, me laissant emporter par la musique. Lorsque je suis sur scène, je ne pense plus à rien. J'oublie qui je suis, ce qu'est ma vie, ce qui la caractérise. J'oublie que je n'ai plus de véritable famille, que la mienne a volé en éclat tout comme mon existence. Non, sur scène, seule la musique compte. Rien d'autre.

Over The RainbowWhere stories live. Discover now