Over The Rainbow

Chapitre 8 - Riley

"I took a walk outside my shelter

Love was with me

When lightning struck and hit me

It's better I loved and lost

Than never felt it »

Eumir Deodato & Al Jarreau - Double Face

— Ne suis pas magnifique avec ce bronzage ?

— Si, si, Maman. Tu es splendide.

Je souris faiblement en regardant ma mère faire des tours sur elle-même devant le miroir craquelé de ma chambre. Jax et elle sont revenus de leur voyage de noces ce matin et depuis, Dolorès ne cesse de me bassiner avec le Mexique, ses plages magnifiques, ses délicieux tacos, le soleil... tout ce qui pourrait me faire terriblement envie. A dessein, bien sûr. Ma génitrice veut que je la jalouse, ce qui n'est absolument pas le cas. Bien au contraire. J'ai presque de la peine de voir cette femme de 43 ans s'acharner à croire que sa vie est un rêve éveillé, à se prétendre chanceuse comme une gamine mal dans sa peau. Je dis bien presque car au final, son spectacle me laisse indifférente. Elle m'en a offert de bien plus difficiles à regarder.

A l'intérieur, je boue mais pour une tout autre raison que son babillage inconstant. Mon cerveau ne cesse de passer et repasser les dernières lignes que m'a écrites SingerGuest21. Je ne peux m'empêcher de penser à ces mots et à ce qu'ils ont provoqués en moi : la colère, une déception cuisante, un cœur brisé.

Tu me fatigues à prétendre être heureuse alors que ton existence est presque aussi nulle que la mienne. Franchement, je ne sais pas à quoi ça rime tout ça. Je ne comprends pas pourquoi on continue de s'imaginer un avenir qui n'arrivera jamais. On a passé l'âge ! Rendons-nous service : arrêtons nos conneries inutiles et vivons dans la vraie vie. Chacun de notre côté. Je ne me connecterai plus sur ton blog pourri, au moins je n'aurais plus à lire tes conneries. J'espère pour toi qu'un jour tu seras réellement heureuse au lieu de faire semblant. Bon courage pour ta vie illusoire !

J'ai eu beau lui répondre que je ne comprenais pas, lui demander ce qui n'allait pas, je n'ai jamais eu de réponse. Il s'est simplement déconnecté et s'est finalement désinscrit du blog. A croire que tout ce que nous avons vécu ces trois dernières années, que tout ce que nous avons partagé, pouvait être balayé d'un coup de main. Et il s'avère que c'est bien le cas pour lui, contrairement à moi. J'ai pleuré comme je n'ai jamais pleuré pour personne, pas même pour mon père. J'ai eu l'impression de perdre un être cher, un membre à part entière de ma famille réduite. C'est là que je me suis rendue compte de la portée de mes sentiments pour ce garçon, pour ce personnage que j'ai visiblement crée de toutes pièces et que j'ai idéalisé. C'était plus qu'un simple sentiment d'amitié. Malheureusement ! Comme une idiote, je suis tombée amoureuse de cet écran qui faisait apparaître tous les mots destinés à apaiser mon âme meurtrie. Je suis tombée amoureuse de cette chimère qui en réalité, ne partageait en rien mes espoirs d'un ciel bleu sans nuage. Était-il réellement ce qu'il prétendait être ? Vivait-il vraiment au sein de cet enfer suffoquant ? Ses troubles paraissaient tellement vraies, tellement réelles que je pouvais avoir l'impression de les palper du doigts parfois. M'aurait-il menti pendant près de 3 ans ? Je ne peux pas croire que c'est le cas. Je le refuse. Dans le cas contraire, cela voudrait dire qu'il était terriblement malin et moi stupide et naïve.

— Rien à signaler de ton côté ? demande Jax.

Ma mère me fusille du regard. A cause de moi, Jax a interrompu son insupportable babillage.

— Rien du tout.

Malgré ma fausse assurance, il ne paraît pas me croire. Je souris pour faire passer mon mensonge, sans succès. Sa mine dubitative me fait comprendre que ma tentative reste vaine. Néanmoins, je n'ai pas envie de m'appesantir dessus, surtout pas auprès de lui. Il doit le comprendre car il n'insiste pas.