Over The Rainbow

Chapitre 10 - Riley

"I feel it deep within, it's just beneath the skin
I must confess that I feel like a monster
I hate what I've become, the nightmare's just begun
I must confess that I feel like a monster

I, I feel like a monster
I, I feel like a monster"

Skillet - Monster

— Vas-y !

— Et s'ils m'envoient tous paître ?

— Tu ne pourras pas le savoir tant que tu n'auras pas essayer.

Je prends une grande inspiration en fixant les grandes enveloppes dans mes mains. En plus des formulaires dûment remplis et des lettres de motivation que j'ai mis des heures à écrire, j'y ai joint quelques textes de mon cru. Je ne suis pas sûre que cela convaincra ceux qui les liront, mais j'ai, dans un instant de pure folie, pensé que c'était une bonne idée. Maintenant, j'hésite. Tout mon avenir repose sur ces enveloppes. Tant que je ne les insère pas dans la boîte postale, un infime espoir demeure encore au fond de moi. Une étincelle minuscule qui me permet de croire que j'ai un futur brillant qui m'attend quelque part. Au contraire, lorsque je les aurai postées, cette étincelle s'atténuera pour finir par s'éteindre. Car je suis presque persuadée d'une chose : personne ne voudra de moi et de mes textes pathétiques. Néanmoins, ce « presque » fait que je suis là aujourd'hui, dans la rue, mon petit tas entre mes doigts crispés par l'angoisse.

— Prends ton courage à deux mains, Riley. Tu n'as rien à perdre. Tout à y gagner.

— Pourquoi ai-je le sentiment que c'est tout le contraire ?

— Parce que tu es trop pessimiste et que tu ne crois pas assez en toi. Mais moi, si. J'ai assez d'assurance pour nous deux. Ça devrait te suffire, non ?

Non, mais je refuse de le contredire. Pas après tout ce qu'il a fait et ce qu'il fait encore pour moi. Alors avec un sourire peu convaincu, je glisse mon espoir et tous mes rêves dans l'interstice, la laissant les engloutir comme une marée montante recouvrirait les coquillages échoués sur le sable. Les enveloppes tombent dans le fond avec un bruit sourd et j'ai l'impression que ce bruit sonne le glas de ma carrière d'auteur même pas entamée.

– Bravo, me félicite Jax en tapant des mains. Ne reste plus qu'à attendre les réponses, maintenant.

– L'attente va être terriblement stressante.

– Encore une fois, c'est parce que tu n'as pas foi en toi. Moi, je suis persuadé que tu seras admise par au moins trois de ces universités.

Je le remercie du fond du cœur. Sa confiance me touche et me procure une chaleur bienfaitrice qui me fait soupirer d'aise.

– Que dirais-tu d'aller manger une glace pour fêter ça ? me propose Jax avec enthousiasme.

– Maman ne va pas être contrariée ?

– Ce qu'elle ne sait pas ne lui fera pas de mal.

J'en doute, vu que notre détour va nous faire perdre de nombreuses minutes et qu'elle doit déjà être en train de nous attendre, mais je ne relève pas. Après tout, il ne s'agit que de manger une glace. C'est pourquoi, j'acquiesce avec un grand sourire. Fêtons d'avance toutes les réponses négatives que je ne manquerai pas de recevoir !

***

Le temps me paraît s'écouler lentement alors que la boîte aux lettres reste désespérément vide. Du moins, vide de courriers qui me sont adressés. Ne te décourages pas, ne cesse de me répéter Jax. Ça prend du temps, me dit-il encore. Pourtant, je ne peux m'empêcher de visualiser d'avance mon futur en tant que pauvre serveuse qui ne rentre le soir que pour retrouver sa multitude de chats. Pas de mari et encore moins d'enfants. Fonder une famille me serait impossible à Everton. Tous me connaissent ici et personne ne veut rien avoir affaire avec la fille de Dolorès, la prostituée de la ville. Je secoue la tête. Ces projections sont stupides étant donné que quoiqu'il arrive, je finirai par quitter Everton. L'arrivée de Jax n'a en rien fait disparaître mes projets de découvrir le monde, elle les a seulement repoussés le temps que je puisse grandir un peu et savoir où je veux aller.