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New York, septembre 2022. Point de vue de Safia.

C'est émerveillée que je découvre le campus qui m'accueillera pour les quelques années à venir. Je finalise mon dossier, je me renseigne sur les modalités d'inscription à certains clubs tandis que les gardes se tiennent à distance. Alors que je compulse le tas de flyers que j'ai récolté lors de ma visite, je percute un torse massif qui me projette immédiatement au sol.

En ce qui me semble un quart de seconde, Zeyd se matérialise devant moi et s'interpose, tandis que Youssef me redresse manu-militari.
"- Amira ! Kayfa haluk ya malakati!" ( Comment allez vous ma reine?)"
"- tout va bien" je repousse d.un geste Zeyd et tend la main au jeune homme que j'ai percuté. "Désolée, j'étais dans mes pensées..."

Il a de beaux yeux bleus pétillants et un gentil sourire quand il me répond :
"- je m'appelle Mike et toi?"
"- qadama ahtiramuka lilmalakati
Safiayyatun ..." (Présentez vos respects à la reine Safia de...)
"- Safia... Encore désolée" je réponds en lui tendant la main avec solennité.
Il sourit, amusé et s'incline pompeusement avant de tourner les talons en lançant :
"- j'espère qu on se recroisera a l'avenir Safia! Les gars... Bon aprem!"

"- messieurs... Je vous ai demandé de la discrétion... J'aimerai que vous changiez de vêtements, la tenue technique intégrale noire... C est un peu trop tape à l'oeil, surtout si vous sautez à la gorge de tout ceux qui me bousculeront..."
Ils se regardent et finissent par acquiescer.

Le soir venu, mon téléphone sonne vers 20h. Je jette un coup d'oeil à l'écran, c'est Malik.
"- Salut Malik! Le campus est génial, j'ai trouvé un..."
"- je n'ai pas beaucoup de temps à t'accorder Safia. Je suis content que tu te plaises là bas."
"- la crise diplomatique..."
"- la ligne n'est pas sécurisée, n'en parlons pas... Bonne installation !"
Et il raccroche. Je reste un instant a fixer l'écran noire, avec l'impression d'avoir été rudoyee vertement...

Mes contacts, les deux mois qui suivent mon installation, avec mon époux sont à cette image. De plus en plus rares et toujours aussi courts. Une fois par mois je reçois un colis avec des pâtisseries orientales que j'aime tant, des vêtements qui arrivent à foison, offerts par des couturiers de tous horizons mais pour la plupart inadaptés au climat New Yorkais, des bijoux sont j'ignore la provenance et un petit mot comme "profite, amitiés, Malik" ...

Peu d'informations filtrent dans la presse sur la situation politique d'Azmar, ce qui peut être perçu comme un bon signe... La crise ne s'est pas développée au point d'inquiéter le voisinage ou la presse. Quelques portraits de Malik sortent dans les magazines, où on le voit souvent en tenue d'équitation, prêt à affronter le désert ou en revenant, en tenue traditionnelle car il assiste à un gala, une réception, entouré de bedouins... Rien d'autre... alors j'essaye de me concentrer exclusivement sur mes cours... Des les premiers jours, j'ai rencontré quelques amis avec qui j'échange des cours, des fiches de lecture...
Il y a Katia, une jolie blonde d'origine russe par sa mère qui attire tous les regards. Elle est un peu extravagante pour moi, mais son travail est de qualité alors nous échangeons beaucoup ensemble. Jessy et jack sont un couple, ils travaillent tous les deux à l'université et m'ont dépannée plusieurs fois quand j'avais besoin d'un ouvrage. Leur petit boulot à côté ne leur laisse que peu de temps libre pour étudier alors je leur donne mes fiches en échange de leur aide et leurs conseils. Le matin, ils arrivent souvent en même temps que moi dans l'amphi et nous en profitons pour partager un café.
Il reste Mike et Tommy, deux athlètes de l'université qui font partie du comité des fêtes. Comprenez qu'ils font plus la fête qu ils n'étudient. J'ai rencontré Mike le premier jour et nous nous sommes recroisés des le lendemain dans un des clubs que j'avais sélectionné. C'est lui qui m'a présenté Tommy, l'afroamericain toujours souriant qui gère toute la comm des soirées étudiantes et  Jessy, qui est sa cousine.

Mon pays me manque par moments. Je ne sais pas pourquoi... Les moments heureux que j y ai passé sont si rares... Les mauvais traitements de la part de mon oncle et ma tante, le village entier qui me traitait comme une paria, mon enlèvement, la difficile survie, le mariage forcé... Mais quelque chose me manque... Les parfums du marché, la chaleur du désert, le plaisir de l'eau quand c'est une ressource rare, et le palais, qui a été ma première vraie maison...

En parlant de maison, je fuis de plus en plus l'appartement qui me rend dépressive avec sa monotonie et sa sombre aura... Tout est sombre... Tout est désespérant... Au moins le mobilier de la bibliothèque universitaire est coloré et la pièce est lumineuse... Alors j'y passe tout mon temps pour travailler sur mes cours... Et je désespère face à mon écran noir de téléphone.

Série: L'otage. Tome 2. la sauveuse du CheikhOù les histoires vivent. Découvrez maintenant