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Chapitre 3 : Le Prince

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Dès ma montée dans le navire, Carsten m'enferma dans le château arrière. Pour préserver ma sécurité, selon ses dires, durant notre sortie de la baie.

Assise dans l'un des sièges de la cabine du capitaine, je dus attendre ce qui me parut être des heures. Le bateau roulait sur les flots, tanguait parfois tant que je devais m'agripper aux accoudoirs du fauteuil. Cloué au sol, à l'instar du reste de l'ameublement, il restait stable dans le chaos de mon existence. Recroquevillée, les pieds sur le coussin moelleux sous mes fesses, je fermai les yeux pour empêcher la nausée de me submerger. Inutile de dire que je n'avais jamais, au grand jamais, mis les pieds sur un navire.

Des pas précipités faisaient vibrer les planches de bois au-dessus de ma tête, des ordres étaient hurlés suffisamment fort pour réveiller les morts. Le vacarme de la mer s'écrasant sur la coque était assourdissant, le rugissement des canons me vrillait les tympans.

Même lorsqu'un brusque silence s'abattit sur le navire, je ne bougeai pas. Pas plus au moment où des vivats éclatèrent sur le pont.

Raide, les orteils recroquevillés, les ongles plantés dans les bras du siège, je n'osais plus bouger, de peur de me mettre à vomir sur l'instant. Mon mal de crâne n'avait pas été arrangé par le boucan et la peur.

— À grimacer ainsi, tu vas avoir prématurément des rides.

— Silence, Carsten.

— Tu ne veux même pas ouvrir les yeux ?

— Si c'est pour te voir te moquer de moi, ça ne vaut pas le coup.

— Tu as eu peur, n'est-ce pas ? murmura-t-il doucement.

Il y eut un mouvement d'air autour de moi. Soudain je me retrouvai enveloppée dans des bras chauds. Ouvrant tout grands les yeux, rouge comme une tomate, je gargouillai des sons incompréhensibles qui le firent rire. Sa grande main me caressant le dos, il étudia mon visage de sous ses paupières mi-closes. L'intensité de ses prunelles bleutées me fit rougir un peu plus, si c'était possible.

— Désolé, Flora. J'aurais dû tout te dire depuis le départ... Mais tu n'étais pas censée sortir du palais avant la fin de la révolution.

— Je... Heu...

Par pitié, il devait absolument s'éloigner de moi ! Trop de contacts physiques pour la journée ! Je n'y étais pas habituée, aussi étais-je au final complètement paniquée. Il dut le comprendre, car il s'écarta avec un soupir pour s'asseoir sur la table basse de bois noire. Pour ma part, j'optai pour une décrispation partielle de mes muscles : je posai mes pieds par terre, réajustai les plis de ma robe blanche autour de moi, mal à l'aise.

La cabine du capitaine était splendide. Comme taillée dans le cœur d'une souche de bois sombre, elle donnait sur le pont d'un côté, sur l'océan de l'autre. Tous les murs étaient lambrissés, percés d'appliques dans lesquelles brûlaient des bougies protégées par du verre. Un grand bureau couvert de cartes trônait devant les fenêtres, un lit longeait l'un des murs. Le coin salon où nous étions installés se trouvait de l'autre côté. Une véritable petite maison à l'intérieur même d'un navire.

— Pour commencer, si tu m'expliquais tout depuis le début ?

— Le début ?

— Comment diable en es-tu arrivé à devenir chef des Rebelles !? m'exclamai-je, irritée par sa lenteur d'esprit.

Ses yeux pétillèrent d'amusement. Ce fichu Prince me faisait tourner en bourrique ! Furieuse, j'attrapai le premier coussin à ma portée et le lui jetai dessus. Cela le fit glousser !

— Sois sérieux cinq secondes ! La situation ne me fait pas du tout rire ! J'ai été arrachée au seul lieu que je connaissais, certes, par toi, mais tout de même !

1. La Prophétesse BlancheWhere stories live. Discover now