1. La Prophétesse Blanche

Chapitre 6 : Le Réfugié

Flânant aux côtés de Nora dans le village d'Erell, il me fallut un certain temps pour me détendre.

L'incident du baiser avec Carsten m'avait quelque peu effrayée. Pas de lui, mais de moi. Car sans même m'en rendre compte, j'avais glissé sur les pentes dangereuses d'une chose en lien avec le « sexe ». Cette chose si terrible pour mes dons. S'il ne s'était par arrêté, la Lune seule savait si j'aurai compris, ou trouvé l'envie de le stopper avant le moment fatidique.

Je fronçai les sourcils en avisant un étal de bijoux. Oui, mais c'était quoi, le moment fatidique ? Je n'en savais rien. D'ailleurs... Comment faisait-on pour perdre sa virginité ?

Prenant un bracelet d'or, incrusté de pierres colorées, je sentis une boule de colère se former dans ma gorge. J'avais intérêt à me renseigner très vite sur le sujet, sinon, j'allais avoir des problèmes.

Enfin... Je m'étais prédit la perte de mes dons. Avec un inconnu.

— Que s'est-il passé, avec Carsten ? me demanda doucement Nora, malgré le tumulte de la foule.

En ce jour de retour des navires Rebelles, un monde incroyable se massait dans les petites rues d'Erell. Les marchands exposaient leurs plus beaux articles, hommes et femmes se mélangeant pour discuter, rirent et chanter sous le beau soleil.

Nora, quoique rondelette, était minuscule au milieu de tous ces soldats et de leurs compagnes. Moi-même je n'étais pas petite, aussi étais-je plus à l'aise.

— Rien de bien grave, rassure-toi.

— À t'entendre, même se faire voler son bien le plus précieux n'est pas grave, rit-on derrière nous.

En nous retournant, nous découvrîmes Acheq. Le jeune homme, avec son petit sourire mutin, avait laissé sa cape dans la grotte pour se promener en chemise plus ou moins blanche. Son pantalon défraîchi était fermé par une de ces écharpes aux couleurs vives, lui conférant un air de pirate. Il aurait pu faire peur sans la profonde gentillesse marquant ses traits.

— Tehani, ne t'approche pas de la Prophétesse Blanche ! siffla Nora en s'interposant entre nous.

— Soyez prudente, susurra le jeune réfugié. L'œil du Protecteur est sur moi.

En suivant la direction de son doigt, je découvris sur le toit du clocher une discrète silhouette. Assis sur les tuiles grises, sa cape battue par le vent, le Protecteur surveillait les Tehanis de sortie dans le village.

— Tu me menaces ? siffla Nora.

— Non, il ne te menace pas, intervins-je, excédée par l'attitude de la femme. Acheq fait une simple constatation.

— Effectivement. Flora, je te cherchais pour te demander quelque chose.

Comme Nora ne bougeait toujours pas, je la contournai, en dépit de la foule. Au regard que je lui jetai, elle cilla, surprise. En fin de compte, je passai mon bras sous celui du jeune Tehani, pour partir faire les boutiques avec lui.

— Pourquoi tout le monde semble vous détester ? demandai-je discrètement, sourcils froncés.

— Les réfugiés sont des voleurs, tout le monde sait cela.

— Et alors ? La Reine est une garce et un assassin, pourtant tout le monde lui lèche les escarpins.

— Oui, mais elle ne risque pas de gâcher ta réputation.

— Vu mon comportement depuis mon arrivée au village, je dois passer pour une gamine décérébrée. C'est une bonne couverture pour fricoter avec les réfugiés, non ?