1. La Prophétesse Blanche

Chapitre 4 : La Prophétesse

De lourds nuages noirs surplombaient le navire. Des éclairs zébraient le ciel, illuminant les flots sauvages. L'air était humide, la mer se déchaînait tout autour de la coque, les vagues remontant jusqu'au bastingage. Les marins couraient en tout sens, certains luttaient pour conserver leur équilibre, entre le balancement de la mer et le vent violent qui balayait tout sur son passage.

Debout au milieu de tout cela, Carsten hurlait des ordres, son visage grave fouetté par la pluie. Je ne me vis pas sur le pont, mais je savais où je me trouvais : dans la cabine du capitaine, agrippée au fauteuil cloué au sol, à me demander quand les éléments cesseraient de se déchaîner.

Les gens se déplaçaient dans une traînée sombre, comme si les ombres s'accrochaient à eux. C'était la seule chose, en plus des couleurs ternies de la scène, qui me prouvaient ma présence dans le futur. Sans ces marques, il aurait été terriblement facile pour moi de me perdre entre les deux mondes.

— Que vois-tu ? me demanda doucement Carsten.

La voix jaillit dans ma tête, ancrée dans le présent. Un souffle de magie plana sur ma peau, me faisant frissonner.

— Une tempête, répondis-je, totalement sous le joug de la vision. Elle arrivera cette nuit, après la troisième relève du barreur.

Sous mes yeux, Carsten courrait pour aider le pilote, qui ne parvenait plus à tenir la barre sous la violence du vent.

— En sortirons-nous tous vivants ?

Plus loin... La scène accéléra sous mes yeux, les traînées d'ombres devenant plus grandes, se fondant dans les contrastes... Et je vis le ciel bleu, le sol détrempé du pont, les hommes essoufflés, mais vivants. Un coup d'œil plus en avant, et je répertoriai tous les navires, tous les marins, les blessés et les saufs.

— Oui. Le deuxième chirurgien du Rebelle aura le bras cassé. Uniquement des blessés mineurs sur l'ensemble des nefs. Le vent viendra de l'est et nous poussera loin des côtes. La pluie ne sera pas notre pire ennemi, mais les vagues tremperont le sol.

— Merci, Flora. Tu peux revenir.

Grisée par la magie de la divination, je parvins néanmoins à faire marche arrière. Les images reprirent leurs véritables couleurs. J'étais sur le point de retourner dans le présent lorsqu'une scène me sauta littéralement dessus, vision de l'avenir s'imposant à moi.

Un instant, je ne la compris pas, jusqu'à ce qu'un cri de volupté parvienne à mes oreilles.

Je poussai un glapissement de surprise en coupant net le lien, me retrouvant d'un seul coup sous le soleil de la mer. Carsten se précipita vers moi, l'air inquiet.

— Quoi, que s'est-il passé !?!

— Heu... Je... haletai-je, en priant pour ne pas rougir. Rien d'important. Le contrecoup à juste était un peu violent... Je... Je crois que je vais aller m'allonger...

En me relevant précipitamment, j'aperçus mon public. Cette fois-ci, ils n'étaient plus curieux, voire méprisants, à l'instar de Hunold. Non, ils étaient... Médusés. Respectueux. Effrayés.

Je ne l'étais pas moins.

Dévalant les marches, je courus jusqu'au château arrière, dans lequel je m'enfermai, le cœur battant à tout rompre. Adossée contre la porte, je laissais le rouge me monter aux joues.

Je m'étais vue, moi. Moi, nue, les jambes enroulées autour de la taille d'un homme. Moi, dont la bouche était couverte de la sienne, pour étouffer mes cris de plaisirs. Totalement abandonnée entre ses bras.