𝟬𝟬 ⟝ BASCULE

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𝐉𝐀𝐒𝐄𝐑𝐎𝐐𝐔𝐄 𝐑𝐎𝐌𝐀𝐍𝐄
𝖩𝖮𝖴𝖱 ⟝ 𝟬𝟬
𝖵𝖨𝖲𝖠 ⟝ 𝟬𝟬
𝖢𝖠𝖱𝖳𝖤𝖲 ⟝ 𝟬𝟬
𝖲𝖯𝖤𝖢𝖨𝖠𝖫𝖨𝖳𝖤 ⟝ ???
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           Son téléphone vibrait inlassablement depuis une bonne vingtaine de minutes, rugissant dans la poche de sa combinaison. Si elle ne pouvait l'entendre par dessus le brouhaha de la ville, Romane le sentait toutefois gronder contre sa cuisse malgré l'écho de ses pas. Les sourcils froncés d'irritation, l'étudiante s'évertua pourtant à l'ignorer et avança d'un rythme dynamique parmi la foule qui se pressait sur le trottoir.

            L'éteindre aurait probablement été une excellente solution. Mais la seule idée de se saisir de l'appareil et de se confronter, même furtivement, à l'avalanche d'appels et de messages de son père la confortait dans son entêtement.

             Elle avait passé une sale matinée ; et elle n'avait aucune envie de devoir supporter les regards méfiants de son géniteur pour le déjeuner. Il avait toujours l'air d'attendre qu'elle explose. Sans parler de sa nouvelle femme qui lui donnait l'impression d'être un monstre. En tout cas, avec elle, Romane n'oubliait jamais qu'elle était une gaijin. À croire que ce n'était pas déjà suffisamment inscrit dans ses traits.

             Ne serait-ce qu'y penser la faisait fulminer. Histoire de drainer ses émotions et d'éviter de marmonner toute seule - auquel cas elle passerait définitivement pour une tarée -, elle accéléra le pas afin de rejoindre le centre de Shibuya. Avantage : le claquement plus volontaire de ses tennis sur le béton étouffa complètement les vibrations de son téléphone, si bien que Romane estima que celles-ci s'étaient tues. Bien que cela n'améliore pas particulièrement son humeur pour autant.

            Déjà, il y avait ce foutu examen de notions qu'elle avait complètement foiré. Et ô combien elle s'en voulait, pour en être la seule et unique fautive. Tout ça parce qu'elle avait préféré noyer ses états-d'âme dans l'alcool et faire la fête jusqu'au matin plutôt que de réviser. Tout ça parce qu'une fois de plus, elle avait préféré se rassurer sur son importance sociale plutôt que de sécuriser sa moyenne.

              Le cercle était sans fin, et Romane s'embourbait.

              Parce que sortir avec les potes qu'elle était parvenue à se forger lui permettait d'oublier ses responsabilités, d'oublier son identité et de vivre en toute liberté. Son existence avait alors le goût des cocktails, l'odeur des corps pétris de sensualité. Romane ne se sentait plus vivre que dans les conneries d'une jeunesse dévergondée. C'était en tout cas là que ses sourires flashaient son environnement d'une fougue sans pareille et que ses rires les plus francs résonnaient par delà musiques et chants.

               Au fond cependant, l'étudiante aspirait ardemment à la réussite. Elle voulait obtenir sa légitimité sociale, sa place dans le monde où on l'avait propulsé. Elle voulait se connaitre et comprendre son entourage. Elle voulait des réponses aux innombrables questions de son adolescence. Or ses vices la bridaient et l'emprisonnaient dans l'image qu'on se faisait d'elle : une jeune étudiante toujours en crise d'adolescence incapable de tenir la moindre ligne de conduite. Qu'importe ses efforts.

                « Je devrais essayer d'en voir un de psy, plutôt que de le devenir... »

               Elle se faisait honte. Elle se désapprouvait. Romane avait son propre comportement en horreur mais ne parvenait à s'en dissocier. Une crainte indicible l'endiguait dans cette conduite qu'elle n'adoptait plus que par facilité et lâcheté. Quelque part, n'était-ce alors pas ce que l'on attendait d'elle ?

VORPALINE | AIBWhere stories live. Discover now