VORPALINE | AIB

𝟬𝟲 ⟝ LA PLAGE À BOUT DE BRAS

𝐉𝐀𝐒𝐄𝐑𝐎𝐐𝐔𝐄 𝐑𝐎𝐌𝐀𝐍𝐄
𝖩𝖮𝖴𝖱 ⟝𝟭𝟳
𝖵𝖨𝖲𝖠 ⟝ 𝟬𝟬
𝖢𝖠𝖱𝖳𝖤𝖲 ⟝ 𝟬𝟱
𝐀♥︎, 𝟕♣︎, 𝟑♥︎, 𝟒♠︎ & 𝟐♦︎
𝖲𝖯𝖤𝖢𝖨𝖠𝖫𝖨𝖳𝖤 ⟝ ???
______________________

⸺ Bordel mais c'est pas possible... Ils se terrent où ces cons ?

              Perchée sur un muret haut, flattée par les rayons ardents d'un soleil au zenith, Romane étudiait sa carte avec attention. Avec humeur, elle mordit dans l'ultime barre chocolatée récupérée lors de son dernier jeu. Son regard scrutait chaque secteur transposé sur le plan, à la recherche de la Plage encore chimérique qui hantait ses pensées depuis deux jours. À de trop nombreux endroits, des croix rouges faisaient le compte de ses pistes avortées, des lieux qu'elle avait visité sans y trouver la moindre communauté. Et elle commençait à être à court d'idées.

             Moins de quarante-huit heures. Il s'agissait du temps qui s'était écoulé depuis son éclat de génie désormais révolu. De l'aube au crépuscule, Romane s'était plongée dans une nouvelle vie de vadrouille, son vélo chargé de ses affaires pour fidèle destrier. Le matin, elle quittait son campement pour le Sud. Le midi, elle écumait les magasins pour se ravitailler selon ses besoins. Le reste du jour, elle longeait le littoral de loin, les oreilles traînantes, en quête du moindre indice sonore de vie. Son regard, lui, avait pour tâche de lui dégoter un nouveau nid pour la nuit. Ainsi, le soir, Romane grimpait sur le toit le plus haut du quartier où sa vadrouille la menait, en veillant à ce qu'il culmine toujours par delà l'horizon de bâtiments.

             Son corps ne s'était jamais trouvé aussi courbaturé. Chacun de ses muscles se plaignait, notamment ceux de ses jambes et de son dos.

             Dans un soupir résigné, la brune se laissa tomber en arrière, le long du muret. Le soleil l'inonda complètement, l'obligeant à glisser un bras par dessus ses yeux fermés pour ne pas ressentir l'agression de lumière.

             Son coup de génie ne l'avait finalement pas tant avancé que ça. Tout du moins pas autant qu'elle ne l'avait cru. Le littoral était vaste, plus qu'elle ne l'avait jamais appréhendé. Et elle n'osait pas trop s'en approcher avant d'obtenir une piste fiable, par crainte de s'éloigner du centre où les arènes pullulaient. Insidieuse et catalysée par le temps qui s'égrenait furieusement, l'angoisse de ne pas parvenir à rejoindre un terrain de jeu le moment venu la poussait à une excessive prudence. Elle n'avait que son vélo et ses jambes sur-exploitées. Le couvert de l'urbanisme le plus pur la rassurait. Sans compter que c'était parmi les buildings que Romane trouvait naturellement les perchoirs les plus hauts.

             Or, désormais, elle tenait mordicus à se hisser en hauteur.

             Sa nuit au Mita avait été bénéfique, quoique terriblement fraîche. L'obscurité tombée et toutes les arènes à proximité lui étaient apparues, sur des kilomètres à la ronde. Comme elle l'avait espéré, la moindre lumière ne pouvait lui échapper, tout du moins pas à cette échelle. La veille, Romane s'était perchée sur un immeuble de Shinagawa depuis lequel le son des moteurs lui était à nouveau parvenu. Malheureusement, avec l'écho des hauteurs, l'étudiante n'avait pas pu clarifier leur parcours comme la veille. Les entendre courir dans les quartiers environnants lui avait toutefois assuré qu'elle se trouvait sur la bonne voie.

              Déjà sensible à la nervosité d'un jour de jeu, Romane voyait pourtant cet optimiste lui échapper.

              Elle n'avait pas le temps. Il lui fallait se préparer pour l'épreuve, se réconcilier avec son corps meurtrit par l'effort physique auquel il avait été soumis. Sa quête ne lui servirait à rien si elle mourrait - bien qu'elle tâche de ne pas penser au pire. Romane ne devait pas non plus oublier que cette Plage ne constituait que l'un de ses plans rendus de plus en plus caducs. Après tout, elle se découvrait une étonnante capacité à s'accommoder à la vie de vadrouille. À force d'y penser, ce lieu encore trop abstrait devenait plus un mystère à élucider qu'une véritable perspective d'avenir. Il lui était nécessaire de réajuster son échelle des priorités avant de tellement s'éparpiller qu'elle en perdrait sa stabilité.