𝟬𝟯 ⟝ SURSIS

173 24 121
                                    



𝐉𝐀𝐒𝐄𝐑𝐎𝐐𝐔𝐄 𝐑𝐎𝐌𝐀𝐍𝐄
𝖩𝖮𝖴𝖱 ⟝𝟭𝟰
𝖵𝖨𝖲𝖠 ⟝ 𝟬𝟭
𝖢𝖠𝖱𝖳𝖤𝖲 ⟝ 𝟬𝟰
𝐀♥︎, 𝟕♣︎, 𝟑♥︎ & 𝟒♠︎
𝖲𝖯𝖤𝖢𝖨𝖠𝖫𝖨𝖳𝖤 ⟝ ???
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            Romane ne savait pas trop pourquoi elle s'était pointée en avance. Jusqu'à présent, elle avait toujours attendu la fin de son visa pour se jeter dans la fosse aux lions. Après tout, pourquoi risquer de mourir prématurément lorsqu'on lui permettait de vivre un jour de plus en sécurité ? Il s'agissait de la solution de facilité, celle que la plupart des malheureux coincés ici privilégiait. Une règle tacitement induise par le système de visa, en corrélation avec la couardise humaine. Quoi de plus naturel que de repousser toujours autant que possible l'instant où il faudrait mettre sa peau en jeu ? Seuls les fous en quête d'adrénaline avaient suffisamment de tripes pour flirter avec le danger.

             Pourtant Romane était là, dans le hall gigantesque du Toho Cinemas de Roppongi, avec son intérieur futuriste qui lui avait toujours fait penser au cockpit d'un vaisseau spatial. Les films à l'affiche étaient toujours ceux du début du mois ; Romane se serait bien fait un Black Widow, à titre purement inspiratif. À la place, confortablement installée dans l'un des rares fauteuils ponctuant l'espace, elle guettait l'arrivée de leur dernier camarade de jeu avec de moins en moins de patience. Malgré le calme nonchalant qu'elle tentait d'affecter à son visage, impossible de brider le tressautement nerveux de sa jambe.

           À en croire le petit encart disposé à leur attention, ils seraient quatre à jouer ce soir là. Pas un de plus, ni un de moins. Romane ne savait pas s'il était possible qu'un jeu soit annulé, par manque d'effectif. Jusqu'alors, la question ne s'était jamais posée et ses arènes s'étaient toujours facilement remplies - que le nombre de participants soit figé ou non précisé. Bizarrement, l'étudiante n'avait pas tellement envie de découvrir ce qu'il se passerait si le quota de joueurs n'était pas atteint. Sans s'en inquiéter foncièrement - il lui restait toujours un jour de visa en cas de pépin -, il s'agissait du genre de boulet anxiogène qu'elle ne voulait pas se traîner par la suite. Déjà qu'ils se pointaient pour jouer avec leur propre vie, hors de question qu'on puisse leur poser un lapin en prime.

            Ainsi, la brune en eut bientôt marre de poireauter et décida de se lever pour continuer d'explorer le hall. 


            À son arrivée dans l'arène, une jeune femme assurément nerveuse attendait déjà. D'abord ravie de voir quelqu'un approcher, ses traits s'étaient tout de suite affaissés dans une forme de déception craintive. Elle n'avait rien dit, pourtant Romane avait vu le malaise trembler dans son regard et formuler des interrogations muettes. Pas par racisme, seulement par inquiétude de jouer sa vie avec ou contre quelqu'un qui ne parlait pas nécessairement sa langue. Quelques mots sympathiques lancés dans un japonais immaculé avaient instantanément chassé sa nervosité. Depuis, la jeune femme semblait avoir trouvé un peu d'apaisement mais son attitude transpirait encore d'appréhension.

           Consciente que la technologie moderne était rétablie dans les arènes, Romane s'était enregistrée avant d'aller trouver les toilettes du bâtiment. Juste pour profiter d'un peu d'eau chaude sur la peau de ses mains et de son visage, ainsi que du son devenu empreint de nostalgie d'une chasse tirée. L'expression « il en faut peu pour être heureux » n'avait jamais autant pris son sens que dans cet endroit. Romane se raccrochait désormais au moindre petit vestige de sa vie passée, aussi minime et puérile pouvait-il l'être.

VORPALINE | AIBWhere stories live. Discover now