Rouge glacial - partie 2

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RYRN

Nous entamâmes notre procession par l'ouest, dans les rares plaines à la lisière de la ville. Plus que des blessés, nous y rencontrâmes des éleveurs et leur bétail composé essentiellement de namrids. Au nombre de bêtes, sans compter la saison de récolte des peaux, le sang coulait facilement par touches éparses ou flaques nauséabondes. Un jeune apprenti avait même réussi à se couper un doigt lors de la découpe des cuirs morts.

Convaincu qu'aucun barghest ne traînerait au milieu de ces groupes de bêtes et d'hommes empestant le fauve presque autant que le sang, j'invitai Garm à poursuivre notre route. Nous remontâmes vers la ville, puis ses nids de griffons . Emerald, le compagnon de mon père, nous y cueillit à peine arrivé au sommet. Comme à l'accoutumée, il n'appréciait guère la présence du barghest. Ses prunelles, bien que claires, le surveillaient avec une noirceur intimidante.

— Si l'un des tiens était venu ici, il y aurait eu trop de grabuges pour que cela ne se sache pas, soufflai-je à l'attention de Garm qui reniflait déjà chaque recoin.

— Je préfère m'en assurer. Vos oiseaux passent plus de temps à dormir qu'à protéger leurs petits. Ils sont devenus trop dépendant de vous.

Pour une fois, je restai satisfait que Garm envahît mon esprit, plutôt que de jeter ses critiques déplacées au bec d'Emerald. Je flattai son encolure, le griffon appréciant particulièrement qu'un humain arrangeât ses plumes, en attendant que le barghest lâchât l'affaire. Profitant de mon entretien, Emerald s'agita peu, quand bien même le loup étira ses ténèbres vers des nids inférieurs. Le bougre reniflait chaque marque de sang... d'accrochages fortuits entre jeunes emplumés, d'un dresseur à l'index piqué ou encore de taches plus anciennes qui assombrissaient la pierre.

— Rien, grommela-t-il au bout de minutes qui me parurent interminables. Continuons.

Je grattouillai les bas-joues d'Emerald et repris la route. Bien que pressé, Garm ne m'offrit pas un aller simple vers les pics des vouivres. Il tenait à humer chaque fumet qui voletait non loin de sa truffe brumeuse. En cas qu'une piste se dévoilât par magie alors que nous longions le Darakan.

J'espérais découvrir la raison qui avait poussé un homme à tuer et emprisonner la tête d'un jeune barghest, mais je restai moins désespéré que Garm. Même si nous ne dénichions pas de cadavre, quelqu'un finirait par le trouver ou bien irait quérir les protecteurs pour retrouver un proche. Et après nos investigations, les uns comme les autres nous préviendraient.

Mais Garm ne l'entendait pas de la même oreille. Il détestait dépendre d'autrui. D'après lui, sa responsabilité de chef de meute l'obligeait à débusquer personnellement le coupable. Je comprenais son avis, mais je doutais que nous y parvenions de nos simples forces. Du moins, que nous réussîmes avant que d'autres se lancent sur une piste jumelle.

Mais le destin se moqua de moi, tandis qu'un chevaucheur nous avoua avoir aperçu un barghest alors qu'il survolait les canyons Ouest. Loin de la ville, une barrière de hauts pics séparant la zone de la ville, il n'en avait touché mot à personne jusque-là.

— Vous n'avez vu personne aux alentours ? m'assurai-je.

— Par les dieux dragons non ! souffla l'homme. Sinon je l'aurais rapatrié ou bien j'en aurais informé les protecteurs.

— Allons tout de même vérifier, insista Garm. Du haut de sa bête, il a pu rater quelqu'un.

Il restait en effet difficile de vérifier chaque mètre de terre juché sur une vouivre, même en vol de reconnaissance.

Cette nouvelle piste nous mena au plein sud de la capitale, sur un sentier de gravier qui s'enfonçait au cœur de la chaîne montagneuse, pour déboucher sur une esplanade. Non pas un de ces terrains aplanis par vanité des riches pour embellir l'avant d'un édifice, mais davantage dans l'idée d'offrir un lieu de repos aux mineurs. Non loin des tables de pierre et de la vue renversante sur les canyons se dessinaient les prémices d'une mine. Rodürz en comptait nombre, de fer, de cuivre, d'argent, d'or ou de pierres étincelantes. Les ressources dont les Askaziens se lassaient, mais qui ravissaient nos alliés dorsükiens.

Prince et Dragon - Tome 3 : NyrsslïaWhere stories live. Discover now