Réunion - partie 2

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RYRN


Un mois s'écoula, aussi frustrant qu'éreintant. Listair ne pouvait rien faire, bien qu'il réussît à passer les dernières nuits à la maison des plaisirs, et je restais infirme à cause de mon bras, pendant que le conseil prit la décision la plus stupide que je n'avais jamais entendu.

— Ils ont décidé de convier les Hatun et les Vardig à la cérémonie de passage ? grondai-je sidéré.

Mon père savait que je réagirais ainsi. Plutôt que de me donner l'occasion de faire une scène pour pousser les anciens à changer d'avis, il m'avait enfermé dans son bureau privé en compagnie de l'ailouran et de Markhar.

— Ils ignorent encore que nous suspectons Hatun de monter une alliance contre nous, temporisa le Caranis. Ils préfèrent donc apaiser les tensions en organisant une rencontre festive.

— En effet, soupira Ahédan. Pour l'occasion, ils souhaitent aussi convier le père de couvée et le tribun des yazuokhs. Ils seraient même décidés à mettre en place un tournoi.

Je haussai les sourcils, surpris d'entendre parler de ces hommes bêtes qui vivaient reclus dans les neiges éternelles. Nous ne les croisions guère, à l'occasion de ces rares championnats brutaux que le Conseil des Anciens pensait justement organiser.

— Ça va virer en bain de sang, sifflai-je dans une grimace. Une rencontre avec un roi que l'on pense lié à la tentative d'assassinat à mon encore, mêlé aux merfolks, ses ennemis depuis des années, cela organisé par un homme qui planifie de nous trahir, sur un fond de tournoi avec des yazuokhs réputés pour leur goût de duels sanglants.

— Ça ne peut en effet que bien se finir, ironisa Listair. Êtes-vous certains que vous ne devriez pas avertir vos conseillers de vos soupçons envers les Hatun ?

— Trop de monde serait informé. Les soupçons fuiteraient et je crains qu'Irfan et ses alliés passent à l'attaque avant que nous nous soyons assuré la loyauté des Velt.

— Et vous n'avez aucun autre moyen que ce mariage arrangé pour vous en assurer ? insista Listair. Il n'est pas pour demain.

— Malheureusement, Rian y tient. D'après ses missives, notre alliance lui est chère, mais il souhaite s'assurer de sa solidité par ce mariage. Si un conflit éclate, je pense qu'il se retranchera sur ces terres plutôt que de se risquer à nous aider. Et comme nous n'irons finalement pas chez eux, puisqu'ils sont maintenant invités chez nous pour la cérémonie, nous n'avons guère la possibilité d'en discuter de vive voix pour le convaincre.

— Le seigneur Velt est un guerrier, pas un lâche, clamai-je.

Défendre l'honneur de cet homme me restait en travers de la gorge, mais cela ne changeait rien en la véracité de mes mots.

— C'est aussi un roi qui pense à son peuple et qui, sans la contrainte du sang, peut décider de rester neutre plutôt que d'envoyer ses soldats dans une guerre incertaine pour un peu de métal et de joyaux.

— C'est en effet une éventualité, lui accorda Listair. Ne serait-il pas judicieux de le convier ?

— J'y comptais. Même si j'ai peur qu'Irfan et ses belles paroles le convainquent de s'allier à lui. Mais il n'a rien à lui proposer qui pourrait l'intéresser. Du moins, je pense.

— Les Dorsükiens du royaume Velt ne connaissent pas les esclaves. Rian ne se risquera pas à les intégrer et provoquer une révolte du peuple. Sans compter que Rüd est trop loin, par-delà Askaz, pour monter un commerce intéressant. Le seul risque est qu'Irfan vole la fille de Rian en proposant son héritier en mariage.

Prince et Dragon - Tome 3 : NyrsslïaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant