Déroute - partie 1

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IRFAN


Irfan détestait qu'un messager le dérangeât durant ses soirées. Le personnel du palais le savait, alors quand un jeune coursier se présenta à sa porte, une missive à la main, Hatun serra les dents.

Les mauvaises nouvelles pointaient le bout de leur nez.

Sans un mot à l'attention du garçon, le seigneur rüdien s'empara du rouleau scellé et claqua le battant. Le sceau sur la missive représentait une panthère et un renard, l'emblème de son royaume. À un détail prêt. Le cercle qui se dessinait en arrière-plan s'était dédoublé. Il ne s'agissait pas d'une faute de tampon sur la cire, mais de la marque de son maître-espion. Un homme de confiance. Un des rares dont Irfan n'avait nul besoin de le coincer en bas chantages pour s'assurer sa loyauté. Un homme qui désirait plus que tout être utile, tout en détenant les clefs des cœurs de chacun.

D'un coup sec, Irfan brisa le sceau de cire et déroula le parchemin. Ses sourcils broussailleux se froncèrent, tandis que ses prunelles claires parcouraient les premières lignes. Le groupe d'assassins missionné par son homme avait été décimé sans faire mouche. Pire encore, les Edka les avaient vus. Ils savaient que des esclaves ailourans étaient responsables de l'accident de leur prince. Leur chef d'escouade avait même tenté d'assassiner la femme d'Ahédan et d'affaiblir son fils en le privant du collier qui rendait son loup plus dangereux qu'il ne l'était déjà.

Son homme ne paraissait pas s'alarmer de cette bourde, sous prétexte qu'avec l'attaque des bêtes ailées, l'accusation se portait sur les lysceurs.

Edka n'est pas stupide, fulmina Irfan. Il pensera peut-être les lysceurs responsables de l'assaut de ces noctuas, mais certainement pas des assassins. Il connaît mal ce peuple, mais les merfolks auront tôt fait de l'éclairer.

Furieux, Hatun froissa la missive. Il la jeta dans un bol d'or qui trônait sur un bureau. Une bougie à la main, il glissa la flamme sur ces nouvelles de plus mauvaises pour les faire disparaître en cendres.

— Je savais que vous seriez contrarié, déclara une voix graveleuse.

Irfan réprima un sursaut et inspira profondément.

— Donc tu as jugé préférable de venir me voir en même temps que ton maudit message ? grogna-t-il en se retournant.

Dans l'ombre des rideaux qui s'arquaient autour des hautes fenêtres de sa chambre, une silhouette se dessina.

— J'ai pensé que certains détails méritaient d'être précisés en personne.

— Parce qu'il y a pire que ce que tes hommes ont déjà fait ?

Le maître-espion ricana.

— Vous me connaissez. Vous savez très bien que ne commettrait jamais pareilles fautes.

Irfan ne dit mot. Il savait son homme loyal et loin d'être un novice, mais il ne voyait pas comment il pouvait excuser ces dernières nouvelles plus sombres que la nuit qui régnait en cette soirée.

— Pour commencer, sachez que l'ailouran dont vous ignoriez la provenance est un espion, comme moi. Et il forme la petite que vous avez offerte au nïrsslya.

Hatun haussa les sourcils. Il croyait les Askaziens loin de ces tactiques de fourbes.

— Oui, les Askaziens voient d'un très mauvais œil les assassins, lui assura son homme qui lisait toujours en lui. Mais personne ne sait ce que font ces deux esclaves, hormis le jeune nïrsslya.

— Il existe donc une possibilité d'ouvrir une discorde entre le père et le fils.

— Peut-être. J'ignore encore comment le seigneur des cieux réagirait. En Askaz, ceux qui s'abaissent à l'assassinat perdent leur honneur et sont répudiés. Mais Listair, l'espion, n'a encore assassiné personne sur ordre du nïrsslya. Je vais essayer de le pousser à cette faute avant de révéler ses activités au peuple de son maître.

Prince et Dragon - Tome 3 : NyrsslïaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant