Prince et Dragon - Tome 3 : Nyrsslïa

Dernier vol - partie 2

RYRN

Je doutai qu'il n'apprenne pas cet incident, mais je préférais qu'il en entende les rumeurs, plutôt que de le constater de ses yeux.

Zmeï s'élança et la prise de Nessa se raffermit. Par sa carrure, les décollages de la vouivre se trouvaient toujours plus mouvementés que ceux de ses pairs. Il dépensait beaucoup d'énergie pour soulever une telle carcasse d'os et de muscles, mais une fois dans les cieux, rien ne l'arrêtait. J'espérais seulement que Ziz abdiquerait et non qu'elle s'acharnerait à fuir.

— Vous allez bien ? m'enquis-je à l'attention de Nessa.

Je sentis ses doigts percer à travers ma chemise, comme si elle tentait de me pincer.

— Me posez-vous réellement une question aussi idiote ? souffla-t-elle en relevant vers moi un regard noir de reproches.

Elle cligna des paupières comme une mèche soufflée par le vent vint se glisser devant ses yeux. D'une main, je la chassai et la coinçai derrière son oreille.

— Je vous remercie, mais vous feriez mieux de tenir les rennes, me conseilla-t-elle en glissant un coup d'œil en par-delà le flan de Zmeï. Nous sommes à une altitude à laquelle je ne souhaite pas tomber.

Je me passai de lui avouer que je ne comptai aucun renne pour contrôler ma vouivre... cette vérité serait fort mal reçue. Et même si Nessa restait raisonnable, j'avais clairement le souvenir d'une demoiselle qui me ferait regretter pareille folie. Bien que le choix eût été limité et fort pressant.

Un grognement à l'avant attira mon attention. Je relevai le menton et découvris Ziz. Laurn se trouvait toujours sur son dos. J'aurais soupiré de soulagement, si le plus dur ne restait pas à venir. Je devais encore forcer la vouivre à se poser... calmement pour éviter de désarçonner le prince et, pire, de l'écraser.

— Prince Laurn ! tonnai-je.

D'un battement d'ailes, Zmeï rattrapa la femelle et se glissa sous sa silhouette. D'un coup d'œil en contrebas, Laurn nous vit. Couché sur sa selle, les doigts crochetés sur le cuir de sa selle, sa position semblait sure, contrairement à son visage plus blanc que la neige des sommets. Je n'eus le temps de le réconforter de quelques mots, alors que Ziz braquait vers les cieux.

— Reviens ici, Ziz ! Zmeï ne te fera pas de mal !

— Vous espérez vraiment que cette bête vous comprenne ? siffla Nessa, le regard rivé sur la vouivre qui retenait son frère.

Elle plongea son visage entre mes bras tandis que Zmeï grimpa à son tour vers le dôme azuré. Un voile blanc s'étirait dans les hauteurs et je craignais de perdre Ziz de vue. J'intimai Zmeï d'accélérer et de lui couper la route. Il s'ébroua, sûrement dérouté que je ne tire pas sur ses rennes qui manquaient à l'appel plutôt que de hurler au milieu des rafales sonores qui nous enveloppaient. À force de monter, le vent se montrait plus violent. Nous devions rabattre Ziz vers les terres rapidement !

Zmeï le comprit et se hissa au-dessus de sa comparse. Elle pila alors qu'il surgit devant elle, à travers les premières couches cotonneuses qui parsemaient la toile azurée. Colère et terreur mêlées, elle gronda.

— Ziz ! tonnai-je à nouveau. Calme-toi et redescends !

Mais la vouivre ne m'écoutait pas. Si seulement Gluiz avait été là ! Il savait y faire avec les bêtes.

Mon corps tressauta comme Ziz piquait, Zmeï à sa suite. La prise de Nessa se raffermit à nouveau, tandis que sa voix cristalline perçait à travers les bourrasques qui nous claquaient au visage. J'eus l'espoir qu'elle se posât, mais la vouivre ne semblait guère encline à se calmer si aisément. D'un virage qui me tira un haut-le-cœur de peur que Laurn tombât de sa selle, elle braqua vers les plaines, au pied de la cité.