Chapitre 31 - Péché mignon

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Le miroir renvoyait une image discordante à LK. Il ne s'y reconnaissait pas entièrement. Quelque chose avait changé, mais il était bien en peine de dire quoi. Il se pencha par-dessus le lavabo pour s'approcher au plus près de son reflet, scrutateur. Ses traits étaient pourtant bien les mêmes. Ses yeux peut-être alors. La couleur n'avait pas changé, ils étaient toujours d'un sombre brun acajou aux notes disputant le rougeâtre au doré, mais il avait l'impression d'affronter le regard d'un étranger à présent.

En s'agrippant au bord du lavabo, il exerça une pression douloureuse sur son index blessé qui le tira de sa contemplation dubitative. Il remarqua enfin le pansement que Laëlle avait apposé sur sa coupure et auquel il n'avait pas prêté attention jusque-là. C'était un sparadrap pour enfant avec des motifs de licornes aux couleurs arc-en-ciel. Une tache de sang sombre transparaissait, s'étendant de plus en plus car il venait de rouvrir la plaie par mégarde.

Cette sensation de brûlure lancinante était insupportable ; comment un bobo aussi ridicule pouvait-il tant gêner un démon de sa trempe ? Il avait l'impression de se retrouver dans un univers parallèle totalement incompréhensible dont il n'avait pas les clés. Mais il n'allait pas se laisser submerger pour si peu, il était temps de prendre le diable par les cornes.

— Je suis de retour ! cria Laëlle depuis la porte d'entrée.

LK se ressaisit, il s'aspergea le visage d'eau fraîche puis quitta la salle de bain attenante à la chambre. Au passage, il attrapa un t-shirt qu'il avait déposé sur le lit après l'avoir déniché au milieu d'une pile de vêtements désordonnée et l'enfila aussitôt. Le visage de Laëlle frémit d'amusement lorsqu'elle découvrit un hurluberlu en kilt et t-shirt Hellfest estampillé d'une tête de bouc satanique à la porte de sa chambre.

— Je t'ai pris ça, annonça-t-elle en tendant un jean usé jusqu'à la corde au festivalier égaré.

LK examina le pantalon qui était à peu de chose près constitué de plus de trous que de tissu, mais cela lui importait peu. Après tout, s'il mettait des vêtements c'était seulement pour éviter le scandale lorsqu'il fréquentait ces mortels si ridiculement puritains. Laëlle avait vite compris que la pudeur n'était pas un trait commun à leurs deux espèces et elle se détourna juste à temps pour échapper à la séance d'essayage au milieu de son salon.

— J'ai aussi acheté deux croissants à la boulangerie, indiqua-t-elle en désignant un sac en papier sur le coin de la table. Café ? Thé ? Chocolat chaud ?

— J'ai pas besoin de manger, déclina-t-il en la regardant s'affairer à la cuisine.

Un bruit étrange résonna alors dans l'appartement, comme un cri d'appel à l'aide lancé par l'estomac d'LK. Les deux compagnons échangèrent un haussement de sourcil suspicieux.

— Je pense que ton estomac n'est pas du même avis, interpréta la jeune femme en tirant une chaise pour l'inviter à s'asseoir.

C'était bien la première fois que le démon entendait un tel vacarme s'échapper de ses entrailles. Est-ce qu'il pouvait vraiment avoir faim ? Ça expliquerait cette sensation désagréable dans son abdomen, mais pas pourquoi il était soudain sujet à ce genre d'incommodité. Son corps déraillait complètement depuis qu'il avait ouvert les yeux ce matin. Il consentit donc à s'installer à table en face de Laëlle qui avait déjà englouti la moitié de sa viennoiserie.

En l'absence de réponse, elle avait choisi à sa place et lui avait préparé un chocolat chaud qui fumait en exhalant une odeur subtile mais agréable. Une odeur un peu trop subtile à la réflexion ; LK avait l'habitude d'être assailli de quantités de fragrances très marquées grâce à son odorat de prédateur, mais aujourd'hui il avait l'impression d'avoir le nez bouché ; c'était on ne peut plus frustrant.

Déchu (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant