MELODIES OF DESTINY - CHARLES LECLERC

14. Trois minutes.

Le café est bondé. Mais Emma n'entend ni la porcelaine qui s'entrechoque, ni les voix qui essayent de porter les unes sur les autres. Elle n'entend ni les rires, ni les cris.

Elle ne voit que Matthieu qui ferme les yeux, le visage impassible. Il se concentre sur la musique qui pulse dans ses oreilles et la jeune femme qui lui fait face joue frénétiquement avec ses doigts, en attendant son avis.

Ses paupières finissent par s'ouvrir. Il retire délicatement les deux écouteurs et les pose sur la table avant d'entrelacer ses doigts, se donnant ainsi un air sérieux.

« Vous voulez la diffuser ? demande-t-il.

- Je... Non. Enfin, on n'en a pas parlé mais je crois que pour l'instant, on veut juste la garder pour nous deux, explique-t-elle. Et puis, ça demanderait de retravailler quelques arrangements et de corriger une ou deux fausses notes et...

- Ce n'est pas un morceau destiné à être parfait Emma, l'interrompt-il. Toute sa beauté réside dans le fait que vous n'avez eu besoin que d'une nuit pour faire une mélodie qui exprime vos rêves et vos doutes.

- T'en penses quoi alors ? T'es mon agent après tout ! Matthieu sourit.

- C'est très personnel... Et puis, tu ne voulais pas être trop associée à Charles Leclerc. Alors, c'est à vous deux de décider. »

Elle hoche la tête, d'accord avec son avis mais déçue à l'idée de ne pas être davantage aiguillée sur cette décision qu'elle doit prendre.

« Et puis si le public déteste, je n'ai rien signé hein ! Se dédouane son ami.

- Justement, en parlant de ça... »

Sous l'œil curieux de Matthieu, la brune prend une grande inspiration. Elle attrape son sac duquel elle sort une large enveloppe qu'elle pose entre eux deux, sur la table en bois. Ses mains tremblent légèrement. Elle sent sa poitrine se compresser sous l'émotion. Ces documents représentent une concrétisation.

« J'ai rédigé une première version... Tu peux le lire tranquillement et me dire ce que tu souhaites modifier. On en discutera, n'hésite pas.

- Emma... »

Elle sort une liasse de papiers du kraft. Les yeux de Matthieu les parcourent et s'arrêtent sur le titre en gras.

Contrat d'agent artistique.

Son cœur bat un peu plus fort. Elle sent son sang pulser dans ses tempes. Elle veut faire les choses bien, le remercier, lui qui, depuis cinq ans, l'a toujours épaulée.

« Emma, je plaisantais hein ! »

Il se sent soudainement gêné d'avoir tant insisté avec ce statut. C'est une blague qui est restée depuis qu'il l'a accompagnée à sa première scène ouverte parisienne, insistant pour s'occuper de tout afin d'assurer son bien-être.

« Je sais que pour l'instant, je suis un gros investissement qui ne rapporte pas beaucoup. Mais j'apprécierai que ce soit toi qui me représente, explique-t-elle.

- Mais... pourquoi si précipité ? Pourquoi maintenant ?

- Ça t'intéresse ou pas ?

- Tu rigoles ? J'avais pas besoin de signer un papier pour accepter ! Réplique le jeune homme.

- Tu ne veux même pas regarder la marge que je te laisse ? Plaisante-t-elle. »

Subtilement, il essaye de lever une ou deux pages pour trouver l'information avant de les faire retomber, un éclat de rire s'échappant simultanément des lèvres des deux amis.