19. Ce silence familier.

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Le soleil décroit à l'horizon, laissant un mélange orangé et rosé sublimé par quelques touches dorées envahir le ciel. Et Emma reste là, à fixer l'horizon qui parait infini qu'elle délaisse seulement pour contempler la mer bleue qu'ils sont en train de survoler. Depuis le début du trajet, elle reste scotchée contre le hublot, heureuse pour la première fois de sa vie de voir quelques nuages se former. Elle trouve qu'il n'y a rien de plus magique que lorsqu'ils passent au travers de cette brume blanche pour retrouver le soleil quelques secondes plus tard.

Cette place est aussi une planque parfaite pour la brune qui fait tout pour cacher le malaise qui l'envahit depuis qu'elle a accepté la proposition du monégasque. Elle ne pensait pas se retrouver à peine quelques heures après dans un jet privé en direction de l'Île de Beauté. Cela ne lui ressemble décidément pas, elle qui a toujours pris des décisions mûrement réfléchies. Et pourtant, après toutes ces semaines pour le moins éprouvantes, elle a sûrement mérité un peu de répit.

Elle ose détourner le regard de l'extérieur pour jeter un oeil à la vie qu'elle a délaissée à l'intérieur de l'appareil. Elle s'arrête sur un Charles endormi au beau milieu de sa lecture. Elle se lève et s'approche prudemment de lui. D'une main presque tremblante comme si elle faisait quelque chose d'interdit, elle se saisit du livre et marque la page d'un pli avant de le poser sur la tablette adjacente. La jeune femme déloge ensuite délicatement les lunettes rondes de ses oreilles et retient son souffle lorsqu'il remue légèrement pour se repositionner. Elle termine de lui offrir un dernier confort supplémentaire en remontant la couverture qui reposait sur ses genoux jusqu'à son menton.

Et puis, elle reste plantée face au pilote pour le regarder. Il semble apaisé et elle se surprend à vouloir dégager son front de ses mèches brunes. Elle ôte rapidement cette idée sordide et reprend place dans l'épais fauteuil de cuir, ses yeux retrouvant plaisir à se perdre dans le spectacle que lui offre l'horizon. Ses paupières papillonnent et elle ne tarde pas à arrêter de lutter pour rejoindre Morphée.

Une agréable chaleur envahit chacun de ses membres. Pour une fois, Emma se sent bien et l'envie de lâcher prise n'est pas loin. Mais il y a cette main qui la tire de ses songes et qui l'arrache à cette bulle de bien-être dans laquelle elle était enveloppée. Les yeux grands ouverts, il lui faut quelques secondes pour se reconnecter à la réalité. Charles se trouve devant elle, la main sur son épaule, et lui murmure des mots doux pour la réveiller. Ils sont arrivés.

Elle prend le temps de s'étirer, de rassembler ses affaires sous l'oeil patient du pilote. Et puis, ils descendent sur le tarmac du petit aéroport où une voiture les attend directement. Comme trop souvent, aucun d'eux n'ose briser ce silence qui les unit. La musicienne laisse son regard se perdre dans les paysages qui sombrent peu à peu dans l'obscurité. Elle devine les montagnes escarpées au loin et la mer calme de laquelle ils s'approchent petit à petit.

Le taxi les dépose à l'entrée d'un petit port de plaisance où de petites barques côtoient des yachts imposants. Le monégasque attrape sa propre valise et jette sur son épaule le sac de voyage son invitée qui ne perd pas de temps à protester. Elle est déjà bien occupée à essayer de calmer son coeur qui se serre alors qu'elle suit Charles qui l'entraîne sur les quais étroits.

Elle n'a posé aucune question et le regrette. Lorsqu'il a parlé de vacances en Corse, elle s'attendait à occuper le canapé du salon d'un appartement ou d'une villa et sûrement pas à prendre place sur un bateau qu'elle devine aisément comme l'un des plus luxueux. Ils se dirigent vers l'une des seules embarcations encore éclairées. Emma imite poliment son hôte en ôtant ses chaussures avant de saisir la main qu'il lui tend pour monter sur une fin passerelle en bois.

« Charlie ! s'exclame un jeune homme en ouvrant grand ses bras. On ne t'attendait plus.

- Salut Riccardo, sourit le brun en étreignant son ami. J'ai fait un arrêt supplémentaire pour aller chercher notre dernière passagère. Voici Emma. »

MELODIES OF DESTINY - CHARLES LECLERCWhere stories live. Discover now