Mélandrie Tome 4 : Les fils du destin

Chapitre 1

 Un nouveau craquement et la brèche dans le cristal qui enfermait Mélandrie s'étendit pour faire voler en éclats sa prison. Après quarante ans passés à l'intérieur, à ne sortir qu'avec un corps de substitution, l'ange de miséricorde redécouvrait des sensations qu'elle avait oublié, une manière de fonctionner d'un corps qui lui était à présent étranger. À cause de cela, elle tomba immédiatement en avant.

À genoux, le regard vissé sur le sol et sonnée, elle essayait de reprendre à la fois son souffle, mais aussi le contrôle de ses membres. Rien que relever la tête pour voir qui avait fait ça lui semblait être une épreuve insurmontable.

— Ça suffit les conneries maintenant, fit une voix autoritaire.

Cette voix, Mélandrie ne la connaissait que trop bien. Il ne pouvait s'agir que de son père. Pourquoi avait-il fait ça ? S'il avait eu du mal à accepter qu'elle soit emprisonnée au départ, il avait fini par changer et tous deux entretenaient une bonne relation, alors pourquoi ?!

Tandis qu'elle retrouvait de plus en plus de sensation dans ses membres et que ses sens se faisaient plus affûtés, la prisonnière tout juste libérée entendit des bruits de pas pressés qui venaient dans sa direction.

— Mélandrie ? Que s'est-il passé ?

Cette voix aussi, elle la connaissait. Quelque chose était cependant très étrange. Elle provoquait chez la fille de Shed un profond sentiment de nostalgie, comme si elle ne l'avait pas entendu depuis très longtemps.

Tandis que cette personne allait se poster auprès d'elle et tentait de l'aider à se relever, Mélandrie trouva enfin la force de relever la tête. Celui qui se tenait devant elle était effectivement son père et la personne qui la soutenait n'était autre que Kahina, son amie, confidente et messagère auprès de tous les êtres sous sa protection. Elle était... jeune. Très jeune.

La Kahina qu'elle connaissait avait la cinquantaine or, ici, elle était encore au beau milieu de l'adolescence. Elle semblait avoir exactement le même âge que lorsqu'elle l'avait rencontrée.

Malgré les tentatives de la prêtresse pour la relever, Mélandrie retomba à genoux, tremblante et le regard vide rivé sur les dalles de pierre devant elle. Elle n'était tout de même pas... Il n'avait quand même pas...

— Qu'as-tu fait ?

— Je t'ai libérée. Derien.

— Pourquoi ?

— Parce qu'il n'est pas question que tu restes éternellement dans ce machin et parce que je n'ai pas envie de me faire incendier par ta mère.

Plus il parlait et plus Mélandrie avait peur de comprendre. Tout ceci n'avait pas de sens ! Lief avait certes été contrariée au départ, mais avait accepté son choix. Elle lui rendait même parfois visite, surtout lorsqu'elle avait enfin réussi à se créer un corps de substitution.

Pendant que son cerveau était en ébullition à cause de tout ce non-sens, une autre personne vint l'aider à se relever. Mahat, lui, avait beaucoup moins changé que Kahina, mais semblait tout de même plus jeune.

— Combien de temps ? Combien de temps suis-je restée dans le cristal ?

— quelques jours, lui répondit l'ange gris.

Cette révélation, qui confirma ses craintes, lui glaça le sang. C'était impossible, ça ne pouvait pas être vrai ! Tout ce qu'elle avait vécu n'était qu'un rêve ? Non, elle ne pouvait avoir rêvé quarante ans en quelques jours ! La vérité était ailleurs, elle le savait. Elle n'avait pas assez d'imagination pour s'inventer tout ce qui s'était passé pendant ces quarante ans.