Deuxième été - 1

3 2 0
                                    

Une main serrée autour de son poignet. Elle le tire vers l'arrière, mais il ne bouge pas. Il ne bouge pas.

Il observe.

Keiji, ce n'est pas le moment. Viens.

Sa mère commence à perdre patience. Elle ne comprend rien. Elle le tire à nouveau, fermement cette fois, mais il reste immobile, les yeux rivés sur le mur d'en face, à attendre que l'ombre qui s'y est déposée daigne enfin l'ignorer.

L'ombre ne le quitte pas des yeux. Elle lui offre un sourire trop large, trop lent.

Elle me regarde, murmure Keiji.

Sa mère sourcille, puis laisse échapper un soupir.

Alors ne regarde pas, dit-elle. Allez, viens. Je demanderai à ton frère de s'en occuper.

L'ombre lui fait au revoir de la main. Avec un frisson, il obéit.

*****

Le petit café était quasiment vide au moment où Akaashi s'y installa. Il avait choisi une table bancale, quelque part au fond, à l'abri du regard indifférent des passants. Il savait que c'était absurde. Personne ici ne le connaissait, et il n'était plus assez jeune pour qu'on s'inquiète de le voir sans compagnie.

Il commanda un verre d'eau, mais n'y toucha pas. Les employés faisaient à peine attention à lui. Ils devaient avoir l'habitude.

Il leva les yeux quand la porte s'ouvrit avec un tintement de clochettes. Kiyoko ne ressemblait en rien à ce qu'il avait vu d'elle l'été précédent : ses cheveux attachés retombaient lâchement sur un t-shirt de sport clair, et elle portait une paire de lunettes rectangulaires qu'elle n'avait pas avant. Il lui fit un signe de la main, et elle le rejoignit avec un sourire timide.

— Bonjour, Akaashi-kun. Tu es en avance.

Il haussa les épaules.

— Toi aussi, fit-il remarquer.

Elle s'assit face à lui. Un serveur vint prendre sa commande puis repartit aussi vite.

— Tu as l'air différent, dit-elle après un moment de silence. Je ne t'ai pas reconnu tout de suite.

Il doutait d'avoir changé de quelque manière que ce soit. Huit mois avaient passé depuis cette semaine estivale, mais Akaashi était toujours le même.

— Je suppose que c'est une question de contexte, hasarda-t-il.

— J'imagine.

Le serveur lui apporta un jus de fruit qu'elle mélangea d'un air absent.

— Je me suis souvent demandé comment tu allais, finit-elle par dire d'un ton hésitant. Je pensais qu'ils nous permettraient de garder contact. J'ai demandé à mes parents, mais ils sont restés très évasifs sur la question. Ils disent que ce n'est pas aussi simple.

— Les miens n'en parlent quasiment pas.

— Ce n'est pas étonnant, dit-elle. Mais je ne vois pas en quoi nous permettre de nous voir changerait quelque chose à leur existence.

— Ils ont simplement peur que notre bon Keiji perde de vue sa grande mission, déclara une voix derrière eux. Vous avez appris à lire l'heure ? Vous me donnez l'impression d'être en retard. J'espère que je n'ai rien raté d'important.

— Bonjour à toi aussi, Kuroo-kun, dit Kiyoko.

Il les salua d'un signe de tête, puis prit place à côté d'elle. Il vérifia l'heure sur son portable, avant de pousser un profond soupir.

L'égaréOù les histoires vivent. Découvrez maintenant