Troisième été - 2

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L'été frappa si vite que son corps lui-même eut du mal à l'encaisser. Un jour, tout allait bien ; le lendemain la fièvre le clouait au lit, si bien qu'il commençait à voir des plantes inexistantes grimper le long de ses draps, des poupées danser sur sa table de nuit, des formes absurdes lui conter des histoires invraisemblables. Il s'enfonça dans un sommeil qui ne fut interrompu que par des éclairs de lucidité paniqués au cours desquels il pensait au jardin, à Oikawa qui l'attendait peut-être. Le temps cessa d'être linéaire. Il se chiffonna en moments épars, désordonnés, et les nuits se mêlèrent aux jours jusqu'à ce que ses repères s'effondrent pour de bon.

Reiko vint plusieurs fois lui tenir compagnie, mais sa présence, pareille à un feu follet, s'effaçait aussi vite. Il distingua l'ombre, accroupie au bord du lit, mais Yū resta hors de vue.

Les jours s'écoulèrent sans se soucier de lui.

Une nuit, il s'éveilla pour ne trouver personne. Sa chambre, plongée dans les ténèbres, était recouverte d'un voile de silence. Il ne transpirait plus. À vrai dire, il avait froid.

Il chercha son téléphone, mais celui-ci s'était volatilisé. Il se redressa avec difficultés. Quelque chose n'allait pas. Un frisson dans l'air. Son cœur pressé dans un étau.

Il se leva, manqua de tomber, retrouva l'équilibre. La porte lui parut à mille kilomètres de là. Il finit par s'asseoir par terre, exténué.

Quelque chose au creux de ses mains. Il les regarda sans comprendre. La terre s'écoula au sol comme de l'eau.

Il avait froid.

Quand sa sœur le réveilla, le lendemain matin, ses paumes étaient propres — mais il n'avait pas rêvé.

On l'avait appelé. Il avait répondu.

— Quel jour on est ? marmonna-t-il d'une voix pâteuse.

Reiko ignora la question et l'aida à retourner dans son lit. Il se sentit sombrer sans avoir l'occasion d'ouvrir à nouveau la bouche.

Lorsqu'il rouvrit les yeux, ce fut pour découvrir l'ombre accroupie sur son torse, son visage pratiquement collé au sien, ses mains agrippant ses épaules avec une force presque humaine. Il n'eut pas le temps de reprendre ses esprits. La voix de Yū s'éleva dans la pièce, implacable.

— Ton inutilité me fait vomir. Je t'avais pourtant prévenu. Voilà ce que tu récoltes pour ne pas avoir respecté mes conseils.

Mais il s'était purifié. Il l'avait chaque fois fait avec diligence et minutie. Yū ne comprenait rien.

— Enfin, soit. Ton insouciance n'est pas nouvelle. Ils t'emporteront plus vite que prévu, mais je suppose que ça ne te fait rien. Je ne t'aiderai pas cette fois, Keiji.

— Je ne veux pas de ton aide, articula Akaashi.

— Je suis heureux qu'on ait trouvé un terrain d'entente.

Il s'accouda à la fenêtre et exhala un soupir appuyé.

— Keiji, Keiji. J'imagine que tu connais la raison de ma visite.

Il n'en savait rien et n'avait aucune envie de la deviner. Il tenta de soutenir le regard de son frère, dont le visage se fendit d'un sourire dangereux.

— Voyons. Reiko ne t'a rien dit ? J'ai bien fait de venir. Cette idiote serait capable de tout faire foirer, et tout ça rien que pour tes beaux yeux. Elle a toujours été trop faible. Quel jour sommes-nous, Keiji ?

Il avait perdu le fil.

— Je ne sais pas, murmura-t-il.

— Je ne t'ai pas bien entendu. Répète-moi ça ?

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 02, 2023 ⏰

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