Deuxième été - 2

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Son frère n'était nulle part en vue lorsque Akaashi arriva chez lui. Le couloir sombre de l'entrée ne l'invitait guère à espérer, cependant, et c'est sur ses gardes qu'il retira ses chaussures et son manteau avant de se rendre dans le salon.

Sa mère, une tasse de thé à la main, pianotait sur un ordinateur portable, tandis que son père paraissait plongé dans la lecture d'un livre plus ancien que la maison elle-même.

Akaashi regarda autour de lui. L'ombre le dévisageait à travers la vitre du salon, plus tangible que jamais, la bouche ouverte sur un amas de ténèbres grouillantes. Akaashi suivit le mouvement de sa main qui se tendait lentement vers le ciel.

— Où est Yū ? demanda Akaashi, faisant de la sorte sursauter ses deux parents.

— Keiji ! Où étais-tu passé ? demanda sa mère en posant une main contre sa poitrine. Tu m'as fait une peur...

— Comment fais-tu pour toujours savoir que ton frère est ici ? l'interrompit son père.

Akaashi conserva un silence obstiné.

— Il a dû voir ses chaussures, intervint sa mère. Tu veux que je l'appelle ?

— Non. Où est-il ?

— En haut, répondit-elle. Il purifie la maison.

— De quoi ?

— Il va falloir le lui demander.

Il ne préférait pas. Il sortit de la pièce et se dirigea d'un pas silencieux jusqu'à la salle de bain.

Il s'arrêta quelques secondes devant le miroir. Il n'avait pas changé. Rien n'avait changé. Il était toujours trop jeune, trop pâle, le regard trop vide. Il plaqua une main sur les yeux de son reflet.

Puis il sourit, et il oublia un peu qu'il avait peur, juste assez pour pouvoir se laver en se frottant la peau jusqu'à ce qu'elle prenne une teinte rouge vif, pour pouvoir plonger la tête dans l'eau sans avoir envie de s'y noyer.

Il se rhabilla dans le plus grand silence. Quand il ouvrit la porte, son frère l'attendait derrière, le dos droit, le regard posé sur lui comme on posait les yeux sur un oiseau mort au bord d'un trottoir.

— Keiji, dit-il en guise de salutations.

— Yū, le singea Akaashi sur le même ton.

Il regretta immédiatement d'avoir ouvert la bouche. Les yeux de son frère se plissèrent dangereusement. Ignorant les battements douloureux de son cœur, Akaashi fit mine de retourner dans le salon. Yū l'arrêta d'une main sur l'épaule.

— Où crois-tu aller ? siffla-t-il à voix basse.

— Dans le salon, répondit-il sans pouvoir s'en empêcher.

Son frère secoua la tête.

— Voyons, Keiji. Tu ne comptes quand même pas te présenter devant ta famille comme ça ? Tu peux te laver jusqu'à t'arracher la peau, si ça t'amuse, mais ça ne te débarrassera pas de la puanteur que tu laisses partout sur ton sillage.

— J'ai été purifié, marmonna Akaashi en serrant les dents.

— Pas suffisamment, on dirait.

Akaashi expira longuement.

— C'est peut-être toi qui répands cette odeur, alors, souffla-t-il.

Yū pencha légèrement la tête. Après un moment, il lui sourit.

— Keiji, Keiji, soupira-t-il.

Il lui posa une main sur la joue et ferma les yeux un instant. Akaashi se figea d'instinct.

L'égaréWhere stories live. Discover now