Troisième été - 1

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Ils avaient frappé cinq minutes plus tôt, et personne encore ne leur avait répondu. La maison semblait déserte, mais Akaashi savait qu'il n'en était rien ; il avait aperçu une forme indéniablement humaine glisser au fond d'une pièce sombre, et celle-ci les avait forcément entendus.

— Elle est peut-être sourde, suggéra Kiyoko en faisant tourner les bracelets qui s'empilaient autour de son poignet. Tetsurō a dit qu'elle n'était plus toute jeune.

— Il a aussi dit qu'elle était prévenue, mais elle n'a pas l'air de nous attendre.

Ses propres bracelets le démangeaient. Les perles de pierre et de bois se cognaient les unes aux autres dans un bruit qui aurait pu être agréable mais qui, pour l'instant, lui donnait surtout envie de les arracher.

Remarquant qu'il commençait à les triturer avec un peu trop de vigueur, Kiyoko lui frappa légèrement le dos de la main.

— Tu ferais mieux de laisser ça tranquille, dit-elle.

— Pourquoi ? Ça ne sert à rien. Je pourrais aussi bien les balancer quelque part.

Elle haussa un sourcil, et il s'excusa d'un geste des épaules.

— Ça n'a peut-être pas de sens pour nous, mais ça en aura pour elle. Les clients aiment bien le côté ésotérique, tu sais. Ils ne feraient jamais confiance à deux adolescents ordinaires.

— Je suis sûr que Kuroo ne s'embête pas tant que ça, lui.

Les exorcistes de la ville ne devaient sûrement pas se vêtir comme au siècle dernier ou porter des bijoux inutilement encombrants. Il se passa une main sur le front. La chaleur combinée à l'humidité d'orage ne faisait rien pour améliorer les choses. Il chassa une mouche qui s'était posée sur son bras avec irritation.

— Tetsurō n'est personne, nota Kiyoko. Il fait ce qu'il a envie de faire. Si nos familles apprenaient que nous avions réalisé un exorcisme sans y mettre les formes...

Akaashi esquissa un sourire.

— Je te trouve bien insolente. J'espère que tu ne dis jamais ça devant lui.

— Je ne dis pas ça contre lui, corrigea-t-elle. Mais il faut rester réaliste. Ce travail n'aurait jamais pu exister si nos noms n'étaient pas entrés dans l'équation à un moment ou à un autre.

Il n'était pas suffisamment idiot pour lui donner tort.

Il regarda discrètement l'heure sur son téléphone. Le rendez-vous était passé depuis une dizaine de minutes déjà.

— On devrait peut-être réessayer, proposa-t-il sans conviction.

Elle lissa une mèche de ses cheveux d'un air absent.

— Non, ça ne sert à rien. Je vais lui téléphoner. Le connaissant, il s'est peut-être trompé de maison.

Akaashi en doutait. Qu'elle soit hantée ou non, la maison ne lui disait rien qui vaille. Son état général, comme les plantes mortes qui jonchaient le sol, suggérait l'abandon. Celle qui vivait à l'intérieur devait en faire des cauchemars ; lui-même commençait à se sentir anormalement agité, et il n'était pas particulièrement nerveux de nature, même avec ces choses-là.

Kiyoko venait à peine de porter son téléphone à son oreille lorsqu'un jeune homme les héla depuis la route. Il descendit de son vélo, épousseta son t-shirt et les salua respectueusement.

— Je suppose que vous venez pour l'exorcisme ? devina-t-il en sortant une clé de sa poche avant.

Les adolescents échangèrent un regard. Kuroo leur avait parlé d'une vieille femme, pas d'un homme qui prononçait le mot « exorcisme » dans la rue sans le plus petit indice d'embarras. Voyant qu'ils hésitaient, l'inconnu leur offrit un sourire d'excuses.

L'égaréOù les histoires vivent. Découvrez maintenant