𝐄𝐩𝐢𝐥𝐨𝐠𝐮𝐞

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Sept ans plus tard





Lorsque mon père m'a dit qu'adopter un enfant serait quasiment impossible pour nous, j'ai râlé en me disant qu'il en faisait encore des siennes.

Ça aurait été parfaitement logique, il a toujours été un profond homophobe avant de plaider la tolérance pour se dresser un portrait plus avantageux en comparaison avec ma mère. Ce dont je ne me doutais absolument pas, c'est que notre chemin, à moi et à Jimin, serait long et périlleux...

Nous avons commencé nos démarches un an après que l'école de danse de Jimin ait ouvert, avec toute la joie et l'enthousiasme venus de nos discussions sur la parentalité avec Yoojung et Seokjin. Je savais bien que pour un couple gay ce serait plus compliqué, mais je ne me doutais pas que mes privilèges - dont j'ai usé toute ma vie - ne me seraient d'aucune utilité dans ce genre de situation.

Nous nous sommes heurtés au système rigide de l'adoption et des règles strictes qui le régissent.

D'abord, Jimin se fichait bien de leurs avis et insistait, mais lorsque que nous avons essuyé un, deux, trois, puis six rejets sur notre dossier, nous avons totalement perdu espoir.

Ces petits sourires moqueurs, ces regards faussement compatissants, ces haussements de sourcils, "vous, vous voulez un enfant ?", "ce n'est pas légalement possible", "un enfant ne peut se construire correctement dans ces conditions." J'avais beau me dire que cela serait passager et que j'étais au dessus de cela, j'entendais leurs voix dans tête une fois la nuit tombée. Puis je regardai Jimin. Généralement, il me fixait juste, les sourcils légèrement froncés, le regard ayant l'air de dire que je ne me battais pas assez.

● ● ●

L'assistante sociale mâche bruyamment son chewing-gum en passant en revue un à un les documents. Jimin avait encore un peu d'espoir que leur dossier soit accepté, mais quand il tourna la tête vers Jungkook, il avait les yeux fixés sur son téléphone avec un air fermé sur le visage

Le brun fut bien obligé de le comprendre, cela faisait cinq fois qu'ils étaient rejetés d'agences d'adoption. Peu importe celle qu'ils choisissaient, les remarques étaient les mêmes. Les regards dédaigneux étaient les mêmes.

L'affreuse réalité était qu'ils étaient deux hommes dont le mariage n'était même pas reconnu dans leur propre pays. Pour en rajouter une couche, le passé de Jimin ne leur rendait pas justice. Même s'il avait tiré un trait dessus.

Avant, le couple se trouvait une jolie bulle hermétique.

Ils avaient en effet bénéficié de l'environnement privilégié de Jungkook. Ils étaient sur un nuage, loin de la société, et sur lequel ils pouvaient se permettre d'en oublier les usages et les tabous. Maintenant qu'ils devaient se rapprocher des institutions pour avoir un enfant, des écoles régies par des comités de parents d'élèves touts puissants et de professeurs qui ne les accepteraient jamais vraiment, ils allaient devoir se rendre à l'évidence.

Quand l'assistante sociale termina, elle referma le dossier sans aucune délicatesse et leva enfin les yeux vers les deux hommes.

- Je suis malheureusement dans l'incapacité d'accepter votre demande, dit-elle d'un ton sans chaleur. Vous pouvez toujours envoyer un courrier à l'Aide Sociale à L'enfance. Si vous le souhaitez.

Jimin serra les accoudoirs de la chaise dans mes mains.

"Non. Non, pas encore..." il pensa.

- Madame, dit-il. Notre dossier a été étudié plein de fois avant vous ! Aucun document ne manque et nous avons passé tous les tests psychologiques requis. Qu'est-ce qu'il vous faut de plus ?

Cry Me A River | jikookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant