Wattpad -tome 1- / Terminée /

Chapitre 10 : L'Inscription

Je pousse la porte d'une main hésitante, ne sachant que faire. Faut-il que je signale ma présence ?
Agacée des questions qui me trottent dans l'esprit, je pénètre dans le grand hall qui s'ouvre devant moi.

La foule respire comme un seul homme, zigzaguant entre chacun pour se rendre d'un bout à l'autre de la grande pièce. En face s'étalent les guichets d'acceuil, devant lesquels patientent les nouveaux arrivants les uns derrière les autres. Sur les côtés s'aligent d'élégants ascenseurs, dont l'encadrement verni scintille sous les chandeliers à la lumière jaunie suspendus au plafond. Celui-ci s'égare à quelques de mètres de hauteur, orné de délicates sculptures orangées.

Éboulie par les aveuglantes lumières qui ricochent sur les murs d'un jaune cassé et les dalles de marbre au sol immaculée, je m'avance lentement, prenant le temps de remarquer le moindre détail de la pièce.

Je me place ensuite à la suite de la queue, le temps d'attendre mon tour au guichet. Mes pensées virent vers Flocon, seul emmitouflé dans sa cage. Un soupire me quitte, inquiet, mais je choisis de ne pas y penser ; le jeune félin s'en sortirait très bien.

L'attente n'est pas longue ; après quelques minutes de queue, la réceptionniste m'invite à m'avancer. Ses cheveux noirs tirés vers l'arrière haussent ses sourcils d'un air désinvolte, tandis que ses lunettes carrées à monture épaisse la rendent plus sérieuse. Ses vêtements serrés me rappelent soudain WhatSapp, ses receptionnistes bien habillés, l'accueil tout aussi chaleureux que mensongers qu'ils réservent aux nouveaux arrivants.
Une boule se forme au creux de mon estomac quand la femme demande d'une voix comme robotisée :

-Bienvenue à Wattpad. Quel est votre nom ?

-Ellhor, je bredouille.

-Prénom ?

-Anora.

Elle calque mes réponses sur les touches de son ordinateur avec une rapidité ahurissante. Puis, elle me tend un papier à la matière dure proprement plié.

-Voici la carte de Wattpad, m'explique-t-elle. Maintenant, je vous prie d'aller prendre l'ascenseur quatre, au 45ème étage, pour vous rendre au bureau de M. Edgarh.

Je m'empresse de ranger la carte dans mon sac, puis hoche la tête rapidement :

-D'accord, merci, bonne journée !

Je quitte la queue pour me dresser au centre du grand hall, balayant du regard les cages d'ascenseur, cherchant le numéro quatre comme me l'a indiqué la réceptionniste.

Je le repère alors au coin gauche, et je m'avance dans sa direction au pas de course : c'est à peine si je réfléchis à mes mouvements, simplement je suis spectatrice de cette arrivée inattendue. Suis-je réellement, officiellement, devenue une Wattpadienne ?!

J'appuie sur le bouton dès que je m'arrête sur le seuil de la cage métallique. Un bruit rauque se fait entendre et les portes s'ouvrent, nous laissant deux autres personnes et moi pénétrer dans sa gueule béante.

Les portes se referment aussitôt que nous nous sommes placés, et une secousse nous indique la montée de l'ascenseur. Comme à mon habitude, j'observe les chiffres cette fois d'un jaune vif s'élever, puis se stopper d'un même mouvement que la cage métallique ; les portes s'ouvrent et l'une des personnes présentes descend, l'expression vide. Les portes se referment, silencieuses, et l'ascension reprend.

Lorsqu'enfin arrive l'étage 45 je quitte la pièce confinée, déboulant dans une pièce harmonieuse. Quelques plantes en pot surgissent dans les quatre coins, encadrant des chaises au dossier de velours orange, sur lesquels sont assis deux autres personnes. Un nouveau réceptionniste se tient derrière un bureau au fond a droite, pianotant tranquillement sur les touches de son ordinateur.
Je m'avance dans sa direction en tâchant de ne faire aucun bruit, de peur de déranger les individus qui semblent attendre là depuis un moment.

-Anora Ellhor, c'est ça ? me sourit le réceptionniste, chaleureux.

Je hoche la tête lentement, les mains sur le rebord du bureau, telle une enfant attendant sa sucrerie.

-Veuillez patientez dans cette salle d'attente, s'il vous plaît, m'indique-t-il ensuite d'une main bienveillante, montrant les chaises du bout de ses doigts.

J'obéis, allant m'installer non loin de la porte brune où on a inscrit "Monsieur Edgarh" d'une élégante police.

Tandis que le silence de plomb s'accapare tout l'espace, je laisse mon sac sur mes genoux me servir de coussin ; très bientôt mes yeux se ferment, et mon rythme cardiaque ralentit. Il doit être près de vingt deux heures et, n'ayant pratiquement pas dormi la nuit dernière et ayant enchaîné les laborieux travaux d'écrire la majeure partie de la journée, pour ensuite plier ma maison dans son ensemble dans de vieux cartons et pour finir, prendre le volant quatre heures consécutives, ma journée n'avait pas été de tout repos...

Lorsque la lumière perce à nouveau et que l'on me secoue par l'épaule, je lâche un grognement épuisé, mécontente d'être tirée ainsi du sommeil. Je soulève difficilement mes paupières qui se font lourdes sur mes yeux et m'étire longuement, le dos endoloris d'être restée penchée si longtemps.
Je lâche un regard autour de moi, remarquant que je suis désormais seule dans la pièce. Le réceptionniste se tient debout sur ma droite, patient, un sourire chaleureux au visage.

-Monsieur Edgarh va vous recevoir, m'explique-t-il tout en tentant de m'aider à me relever.

Néanmoins je préfère me redresser seule et ne prête aucune attention à sa main tendue. Je le remercie cependant du regard, ne souhaitant pas décourager la patience de ce chaleureux réceptionniste.

Je lance mon sac sur mon dos et m'avance jusqu'à la porte brune, que je pousse lentement.

À l'intérieur, derrière un large bureau de bois foncé et élégamment décoré est assis un homme au visage creusé, de lourds sourcils blancs broussailleux démontrant de son grand âge ; il doit atteindre la soixantaine. Son nœud de cravate se fait parfait, d'une couleur orange pâle concordant avec son regard ambré. Quelle étrange couleur d'iris...

-Bien le bonsoir, Anora, me salue-t-il. Je vous laisse prendre place sur la chaise en face de moi...