LE TRIBUNAL

111 21 89
                                    


     Un fiacre attendait Astrid et Maude devant l'hôpital. Ses couleurs blanches, or et turquoises étaient assorties à celles du château, il en était de même pour les chevaux qui le tiraient et la tenue du cocher qui le conduisait. L'homme qui les avait convoquées leur ouvrit la porte, il aida aimablement Maude à monter en lui offrant son bras comme support. Il détourna le regard lorsque ce fut au tour d'Astrid d'entrer dans le véhicule, sa tutrice lui tendit la main de l'intérieur. "Je t'accompagnerai jusqu'au bout" était la signification de ce geste à cet instant. La magicienne ne comprenait pas l'attitude de tous ceux qu'elle croisait depuis son réveil. C'était comme si tous les efforts qu'elle avait fait depuis l'enfance pour s'intégrer avaient été balayés en une nuit. Cela ne lui faisait ni chaud ni froid, du moins, pour le moment.

    Sur le trajet pour se rendre au château, l'homme qui avait tout d'un majordome dévisageait Astrid. Ses yeux étaient des lames argentées qui aurait pu donner l'impression à la jeune fille d'avoir un couteau sous la gorge. Sa peau pâle se confondait presque à sa tenue blanche aux broderies dorées et ses mains étaient enveloppées par des gants turquoises qui s'entremêlaient dans le silence de son air assassin.

- Qui est mort ? Demanda Astrid à sa tutrice en évitant le regard du majordome.

- Monsieur Weight et certains élèves qui étaient dans sa classe à ce moment là, répondit Maude en s'excusant, la bouche cachée derrière un éventail pour camoufler l'horrible vérité qu'elle annonçait à sa protégée.

- Et dans ma classe ?

- Aucun pour le moment, mais certains sont dans un état critique, expliqua la protectrice d'une voix basse.

- Lesquels ?

- Simon et Claire sont dans un état inquiétant, précisa Maude, s'efforçant de ne pas se préoccuper du ton froid de sa demi fille, Madame Poulie a réussi à limiter les dégâts grâce à ses pouvoirs. Elle est gravement blessée mais elle s'en sortira.

Astrid comprit que le valet qui gardait un œil sur elle était agacé de ne pas la voir s'effondrer. Elle ne pouvait rien y faire et cela ne l'embêtait pas. Ses émotions valsaient encore bien loin d'elle et la seule chose à laquelle elle songeait était de savoir si elle resterait à Australis ou si elle traversait ce Reinaume pour la dernière fois.

Arrivé dans les remparts du château d'un blanc immaculé, le fiacre contourna le palais aux tours turquoises qui déchiraient les nuages. Les secousses du véhicule sur le pavé faisaient trembler l'équipage qui se dirigeait vers le panthéon. Astrid vit l'émerveillement sur le visage de Maude qui ne pénétrait pourtant pas dans l'enceinte du château pour la première fois. Les lames du majordome s'étaient changées en coupoles pour habiller sa face d'un regard satisfait, ses paupières semblaient sourire et son rictus trahissait sa fierté de travailler au cœur de la citadelle.

À la descente, le majordome offrit le même traitement à la jeune fille qu'à la montée, quand il proposa sa main à Maude pour l'appuyer dans son mouvement, celle-ci la balaya d'un revers de la sienne.

- Gardez là pour vous, merci. S'exclama la gardienne dans un sourire pincé.

Astrid n'avait jamais vu les yeux de sa demi-mère arborer une allure si provocante, c'était maintenant les siens qui s'exhibaient sous la forme de lames tranchantes, avant de fendre l'air jusqu'à sa demi-fille pour retrouver une allure chaleureuse et rassurante. La jeune fille entendit la déglutition du valet qui emboîtait le pas à ses deux conviées qui se dirigeaient sans l'attendre vers l'entrée du panthéon.
Des gardes comme il y en avait partout dans l'enceinte de la citadelle étaient postés, munis de lances, en haut des escaliers. Ils ne firent pas le moindre mouvement et n'accordèrent aucun regard ni aucune parole à Astrid et Maude.

La tisseuse d'étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant