L'ÉVANTAIL

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Dans le fiacre qui traversait le Royaume pour se rendre chez Maude, la conversation battait son plein. Astrid découvrait comment sa tutrice et Félix s'étaient chamaillés tous les soirs pendant leur service militaire. Les deux adultes qui replongeaient dans leur adolescence le temps d'une traversée expliquaient comment Maude défiait chacun de ses compagnons au bras de fer, tous les soirs. Celle-ci riait en se moquant des piètres habilités magiques du connétable et de sa timidité ancienne. L'homme précisa que son caractère eu bien changé depuis cette époque et il qu'il en était de même pour Maude qui s'était beaucoup apaisée depuis.

- Tu étais une boule de nerfs !

- J'étais entourée de garçons, il fallait bien que je m'impose !

- Pour t'imposer, tu t'imposais ! La plupart des compagnons ne voulaient même plus se retrouver dans la même pièce que toi !

- Ils avaient peur de tomber amoureux c'est tout.

- Tu plaisantes j'espère, tu les émasculait tous! Il aurait fallu être sacrément fou pour tomber amoureux de toi à cette époque!

- Ha, ça pour être fou il fallait être fou, n'est-ce pas ?

- C'est vrai.

Sur ces derniers mots, les rires prirent fin pour laisser place à un silence gêné. Le connétable et Maude s'étaient échangé un regard dans la déformation de leur rictus qui intrigua Astrid.

- Il y a eu des histoires d'amour ? Questionna-t'elle malicieuse.

Personne ne lui répondit, Maude baissa la tête et fit mine de débarrasser sa robe de la poussière d'un geste nerveux de la main qui frottait le tissu. Le connétable lança un regard désolé à la tutrice.

- J'ai dis quelque chose qu'il ne fallait pas ? Demanda Astrid, soucieuse.

- C'est à cette époque que j'ai connu Louis, répondit sa protectrice dans un sourire crispé en secouant nerveusement la tête, trahissant la raideur qui s'était créée dans sa nuque.

- Pardon, je n'avais pas fait le rapprochement.. Vous le connaissiez aussi ?

Astrid orienta sa question à Félix dont le regard perdit toute lueur. Elle se rendit bien compte que son absence de réplique n'était pas volontaire, ses yeux avaient été avertis par la pomme d'Adam du connétable qui avait fait un mouvement ascendant. La gorge nouée de l'homme ne lui permit pas de faire parvenir ses mots aux oreilles de la croisée. À la place, un simple hochement de tête fit office de réponse.
Le chahut qui avait lieu dans le véhicule quelques instants plus tôt fut chassé par un calme plat. Tout le monde regardait vers le bas. Que ce soit ses mains qui époussetaient faussement sa robe pour Maude ou le bord de la route rocailleuse au travers de la vitre pour Félix. Astrid, elle, observait les égratignures sur ses bras et ses jambes que lui avait laissée l'explosion de l'académie.
   Le silence qui régnait dans la boîte mouvante laissa place au bruit de ses roues qui chevauchaient et chassaient les cailloux sur leur passage. A certains moments les soupirs des accompagnateurs d'Astrid étaient éclipsés par les discussions incompréhensibles sur la place du marché que le véhicule traversait dorénavant. Elle aurait voulu s'enfuir de l'écrin en mouvement pour emprunter les courants aériens et rentrer chez elle plus rapidement tant elle était mal à l'aise.

- Nous sommes presque arrivés, affirma simplement la magicienne pour briser le silence.

Maude lui adressa un faux rictus. Elle était visiblement plongée dans ses souvenirs. Astrid les savait bien moins heureux que des chamailleries et des concours de force avec ses compagnons. Ces souvenirs dans lesquels se noyaient sa mère le concernaient, lui.
Bien que la protégée n'ait jamais tout sut à son sujet, elle connaissait son prénom et la place importante qu'il avait occupé dans le cœur de Maude.
« Il était beau, gentil, drôle et courageux. Et surtout, très aimant. Il t'aurait adoré et tu l'aurais adoré aussi ! » Avait-elle dit à Astrid lorsqu'elle l'avait questionné plus petite, sur l'homme dont la photo siégeait sur la table de chevet de sa protectrice.
Le connétable, ne voulant pas laisser celle qu'il escortait sans plus de réaction, reprit la parole.

La tisseuse d'étoilesWhere stories live. Discover now