La tisseuse d'étoiles

VERDICT

Astrid fixait son doigt qui était à nouveau nu, le ciel avait fini par recouvrer ses airs de journée et le pouvoir de la croisée s'était évaporé avec ses émotions. Maude et sa protégée attendaient devant le tribunal. La demande, ou plutôt, la décision d'Astrid était une première et il fallait que la cour puisse débattre sans craindre de nouvelles secousses magiques.
Assise sur les marches qui permettaient d'accéder au tribunal, sous la surveillance des gardes, Astrid posa sa tête sur l'épaule de Maude.

- Ta lettre m'a retournée, je ne sais même plus comment je dois t'appeler.
- Tu peux m'appeler comme tu le souhaites, de mon côté saches que je serai plus que fière de parler de toi comme étant ma fille, si ça ne te dérange pas.
Maude eu un côté timide qu'Astrid ne lui connaissait pas envers elle. La protectrice enchaîna :
- Tu es quand même une Tisseuse d'Etoiles...
- Je pensais qu'elles n'existaient pas..
- Elles n'existaient plus ! Rectifia Maude, jusqu'à aujourd'hui. Sais-tu ce que ça signifie Astrid?
   Astrid réaligna sa tête à son dos et adressa un regard interrogatif à sa mère.
- Tu as un Pouvoir Unique plus qu'unique ! C'est un pouvoir légendaire! Les nations se battront pour t'avoir à leurs côtés. Ne fais confiance qu'à ton instinct et garde ce pouvoir aussi secret que tu le peux!
- Tu me parles comme si nous n'allions pas nous revoir.

   Sans s'en rendre compte, Maude avait saisi les poignets de sa fille en lui promulguant ses conseils. Lorsqu'elle s'en aperçut, elle déroula ses doigts et saisi son éventail des deux mains, posées sur ses genoux. Soucieuse, elle balaya du regard le bas de l'escalier. Astrid posa sa paume sur l'avant bras de sa protectrice.

- Ne t'inquiète pas pour moi. Tu m'as élevée pour faire de moi quelqu'un de forte et même si je n'en ai pas l'air, je le suis devenue. Je l'ai ressenti toute à l'heure. C'était comme si... comme si l'univers entier s'écoulait en moi.
- Je n'arriverai jamais à ne pas m'inquiéter. C'est comme ça! Je suis comme ça, tu le sais bien. D'autant plus qu'une tisseuse d'étoiles n'apparaît pas par hasard.
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Depuis toujours, à chaque fois qu'une Tisseuse d'Etoiles apparaît ...
- Madame Brumel Maude et Madame Brumel Astrid, le tribunal a pris sa décision.

   Gaspard interrompit Maude brusquement. Il se tenait entre les deux portes à moitié ouvertes. Sur son front s'était tissé un amas de tissus pour stopper le saignement de sa blessure. Lorsque la magie d'Astrid avait cessé de faire effet, une pierre qui lévitait au dessus de sa tête était tombée sur le coin de la tête du majordome.

- Nous en parlerons après, maman.

   Astrid habilla ces paroles d'un clin d'œil malicieux envers sa tutrice. Maude eu le souffle coupé pendant un instant. Elle en oublia presque la conversation qui venait d'être abrégée. Elle fit un signe affirmatif de la tête auprès de sa protégée qui l'aidait à se relever. Même si elle avait voulu finir sa phrase, elle ne l'aurait pas pu, sa gorge s'était nouée dans un mouvement de rotation. Semblable au geste qu'aurait pu faire Astrid pour déclencher l'eau d'un robinet. Cette eau était remontée jusqu'au yeux de Maude qui n'avait, à ce moment là, pas la force de refermer les vannes. Astrid marchait devant elle, prête à entendre le verdict. Dans son dos, en silence, sa tutrice pleurait de joie, de peur et de fatigue derrière son éventail qui lui servait à dissimuler des larmes impossibles à contenir.

De retour dans le tribunal, Astrid réalisa l'ampleur des dégâts qu'elle avait causé. On aurait pu croire qu'une tornade s'était déchaînée dans le bâtiment. Les anciennes colonnes parfaitement préservées étaient ébréchées, des feuilles tapissaient le sol à certains endroits et des blocs de pierre endommagés avaient été entreposés dans des coins de la pièce par les gardes.

- Désolé pour tout cela, exprima Astrid en désignant le bazar environnant.

- Oh ne t'inquiètes pas pour cela, répondit la Reine en agitant la main, on fera intervenir des travailleurs de Virginis pour les rénovations.