MA TENDRE ASTRID

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Ma tendre Astrid,
Comme j'aurais aimé te voir grandir, tu n'es encore pas de ce monde et je dois déjà faire le deuil de tes premiers pas. Ces instants que je partage avec toi en te portant dans mon ventre sont peut-être les seuls que nous partagerons. Lorsque j'accoucherai, des bras inconnus t'arracheront à moi avant que je ne puisse te serrer dans les miens. Telle est ma punition pour avoir trop aimé et pour avoir consommé cet amour en dépit de ce que la société nous impose. Une Reine n'est pas épargnée par ces lois divines, j'en suis la preuve vivante. Je garde quand même l'espoir que lorsque tu devras faire ton choix à ta majorité, tu choisiras de me revenir et de prendre ta place sur le trône d'Arietis.
Je t'écrirai, même en sachant que tu ne peux pas me lire, je veux que tu saches que ta maman t'aime et que tu es le fruit d'un amour véritable.

Astrid releva la tête vers la Reine, aucun étonnement ne se manifestait sur son visage éclairé de plein fouet.

- Ma mère est la Reine d'Arietis ? Demanda t'elle simplement.

- Tu ne m'as pas l'air très ébranlée de l'apprendre, releva la Reine, mais oui Princesse, ta mère est la reine de ce maudit royaume.

- Est-ce pour cela que tout le monde me fusille du regard depuis mon réveil ? Questionna Astrid.

- Peut-être, comment le saurais-je, je ne suis pas dans la tête des gens! Répondit la Reine après avoir fait claquer sa langue derrière ses dents.

- Je pensais pourtant qu'un homme était à la tête du Royaume du bélier, dit Astrid sur un ton à demi interrogatif.

   Sans que personne ne réponde, le majordome fit porter à Astrid une seconde lettre sous les regards de l'assemblée. La forçant à vivre avec eux ce moment si intime et peut-être unique qu'elle partageait avec sa mère, bien que celle-ci ne soit pas présente.

    Ma tendre Astrid,
Cela fait déjà un an que l'on t'a arrachée à moi, je prie tous les jours pour que tu sois élevée par une famille aimante et que tu grandisses en sécurité dans ce Reinaume si hostile qu'est Australis. Je n'ai plus le goût de rien. Tu as tellement pleuré lorsqu'ils t'ont emmenée... Ils ont prit avec toi une part de moi que je me hâte de retrouver. Je t'aime Astrid, soit en sûre.

- Elle ne dit rien sur mon père dans ses lettres, releva Astrid.

   Sans réponse de la part de qui que ce soit, la magicienne poursuivit la lecture des lettres de sa mère biologique, toutes étaient teintées de tristesse et de mélancolie, aucune ne parlait de son géniteur. Toutes commençaient par la même affection et se terminaient par un « Je t'aime » mais aucune ne procurait à la jeune fille une quelconque émotion.

   Ma tendre Astrid,
Cela fait 10 ans que tu es partie, j'ai décidé cette année de céder mon trône à ton grand frère. Il en a l'âge et certainement plus les épaules que moi. Ma décision fait rage à Arietis qui a toujours été un Reinaume mais je n'ai plus à cœur d'être une Reine. Lorsque tu reviendras tu pourras évidemment t'asseoir sur le trône puisque celui-ci te revient de droit. Notre peuple en sera plus que ravi j'en suis certaine. Je t'aime Astrid.

   Des perles de sueur ruisselaient sur le front de la lectrice, exposée à un soleil qui lui frappait le visage. Gaspard, le majordome, lui fit amener une dernière lettre.

- Votre lecture s'arrêtera après celle-ci, dit il simplement.

- Il n'y en a pas d'autres ?

   L'homme retourna auprès de la Reine d'Australis sans accorder à la jeune fille la réponse qu'elle attendait. Astrid ouvrit l'enveloppe dont le papier était bien plus frais que pour les lettres précédentes.

La tisseuse d'étoilesWhere stories live. Discover now