LES YAKUZAS [ TOME 1 & 2 ]

CHAPITRE 27 - HIIRO NO KAKERA

" On cueille nos malheurs à l'arbre de notre incompétence.

Jason - Tokyo Ghoul "

JOKER

Assis à une table dans une des maisons du quartier des plaisirs, je rumine en me bourrant la gueule au saké.

Rei est là. Plus les jours passent, moins je peux le supporter.

Je comprends pourquoi Kuro a fait appel à lui. Notre clan apparaît comme faible au monde extérieur, les attaques s'enchaînent et cette fois, c'est un de nos entrepôts remplit à ras bord de cargaison d'armes qui a été cramé.

La police sait parfaitement à qui appartenait cet endroit et la marchandise, et même mon chef ne peut étouffer une affaire d'aussi grande envergure. Les médias s'en sont emparés, et bien que la loi anti yakuza au Japon soit en place, le public comprend que nous ne sommes pas qu'une légende.

C'est la personnalité de Rei qui lui a valu le surnom de "Démon de Shibuya".

Quand il avait quatorze ans, Rei a pris le dessus sur les deux autres en lui. Et il a perpétré un massacre de grande envergure dans cette ville.

Tous ceux qui ont participé aux sévices qu'il a subis ont payé. Mais pas seulement eux.

Leurs familles, leurs amis, les amis de leurs amis. Les enfants, les adultes, les femmes et les animaux. Peu importe qu'ils aient été innocents, Rei fait passer des messages au nom de sa propre conscience. Il empile les cadavres derrière son passage, et son nom fait trembler les plus grands de ce monde.

Pour ma part, j'ai juste envie de lui arracher la gorge.

La musique sensuelle du Host-Club ne me déride pas. Enfoncé dans une banquette en cuir aux côtés de mon chef, je l'observe lui et sa tête d'enterrement.

Vêtu d'un tee-shirt noir sur un jean de la même couleur, son regard erre sur les femmes présentes qui se pavanent pour avoir son attention. Les jumeaux et Ghost sont à la résidence, et nous ne sommes que tous les trois.

Même si Rei ne compte pas.

Kuro ne regarde pas les femmes habituellement, pourtant ce soir il le fait. Je ferme les yeux en humant l'odeur qui se dégage de lui, afin de tenter de lire ses émotions.

Il ne porte aucun parfum d'excitation. En fait, il ne sens rien du tout.

- Je peux savoir ce que tu fous oya ? L'interrogé-je en attirant son attention.

Depuis que lui et Nikita sont allés à la résidence familiale, ils sont bizarres. Du genre pire qu'avant. Ils s'évitent très clairement, et j'ai ma petite idée sur ce qui s'est passé entre eux.

- De quoi tu parles ?

Son visage est impassible, ses bras sur ses genoux lui donnent une posture détendue. Mais je connais mon chef, quelque chose cloche.

- C'est toi qui a proposé de nous emmener aux putes alors que tu détestes ça. Et là t'es carrément en train de te rincer l'œil. Donc, qu'est-ce que tu fous ?

Je trouve ça flippant.

Mon chef n'aime pas les femmes. Physiquement ou émotionnellement, il est juste éteint de ce côté là.

Mais depuis qu'il a une épouse, il est perturbé.

Preuve en est, il se racle la gorge en se craquant la nuque avant de reprendre un air neutre.

- Je ne vois pas de quoi tu parles.

Je n'ai pas le temps de lui dire que j'ai conscience qu'il se fout de ma gueule, le rire de Rei assis en face se répand dans l'air.