LES YAKUZAS [ TOME 1 & 2 ]

CHAPITRE 46 - ET LES PAPILLONS MEURENT

"Tandis que le blanc hantait mes souvenirs, c'est ton existence qui emplit mon monde de couleurs.

Kaname Kuran - Vampire Knight"

♫Tom Odell - Heal
♫ Birdy - Take my heart
♫ Lana Del Rey - Born to die


NIKITA

Depuis trois jours, l'ambiance est devenue lourde à la résidence. Quant à moi, je suis silencieuse. Blessée par les propos de Joker, le silence de mon mari quand j'arrive à le croiser trois secondes dans la journée ne fait qu'exacerber mon malaise.

Pour être honnête, il n'est presque jamais là. Je suis toujours dans l'ignorance, même si je grapille quelques infos auprès de Nana qui va beaucoup mieux.

Kaneda Hitake a disparu, Light est officiellement à l'étranger, mais officieusement quelque part au Japon.

La guerre entre lui et Kuro semble prendre de l'ampleur. La drogue se fait saisir aux douanes, tout comme les armes.

Le fameux frère aîné est en silence radio, aucune attaque, menace ou geste de sa part.

Voilà tout ce que je sais, autrement dit pas grand-chose.

J'ignore si Alexeï est au Japon, ou se contente d'envoyer des hommes depuis la Russie. Il sait où je suis, et je continue de me demander pourquoi il n'a pas encore cherché à me récupérer de façon plus frontale.

Pas que je m'en plaigne, mais j'ai l'impression de louper quelque chose.

Il y a quelque temps, mon mari m'a confié qu'il aimerait que je fasse un portrait de lui en couleurs. Assise devant ma toile vierge depuis deux heures, pinceau en main et palette de peinture prête à colorer ce tissu immaculé, je ne bouge pas.

Le jour où mon frère m'a forcé à me faire pardonner à sa façon, je n'ai plus jamais été capable de voir de la beauté ici bas.

C'est ce qui compose l'âme d'un artiste, sa perception du monde.

- Ghost ? Appelé-je à voix haute.

La porte de mon atelier s'ouvre, et mon protecteur y entre en refermant derrière lui. Droit comme un I, les mains dans le dos, habillé d'une tenue complètement noir avec son éternel masque sur le visage, il m'observe à distance en attendant un ordre.

Mais aujourd'hui, je n'ai pas envie de diriger.

- Viens t'asseoir avec moi, souris-je en lui désignant le tabouret à mes côtés.

D'un pas silencieux malgré sa carrure athlétique, il me rejoint en prenant place, et je fixe son profil.

- Tu sais que tu peux enlever ton masque avec moi ?

Il se contente de hocher la tête en me regardant, son regard sombre dans le mien. Quelques mèches de cheveux indisciplinés retombent sur son visage, lui donnant un air plus doux.

- J'ai déjà vu tes cicatrices une fois, ajouté-je pour le convaincre de se mettre à l'aise.

Avec délicatesse, il attrape mon poignet et trace lentement des lettres dessus, formant un seul et unique mot.

"Suffisant."

Mon regard dans le sien, j'y perçois bien plus d'émotions que chez n'importe qui d'autres. Ghost n'est pas vide, au contraire, il est comme un océan de secrets.

Je me demande à quoi il pourrait ressembler dans d'autres circonstances, si sa vie avait eu cette touche de normalité qu'aucun de nous n'a jamais vraiment connu.