Prologue

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Le jeune homme était dans sa propre chambre, seul. Son regard vidé de toute émotion se baladait dehors, à travers sa fenêtre. Il regardait sans vraiment regarder tout ce qu'il se tramait à l'extérieur, hors de chez lui. Si, d'apparence, il semblait calme et pensif, à l'intérieur, tout un tas d'émotions, presque toutes négatives, se battaient entre elles. La colère, la peur, le désespoir, la mélancolie, l'effroi, la surprise, le dégoût et la honte, toutes ces émotions négatives faisaient rage en lui. Il dû faire un effort surhumain pour ne pas ciller. Parce que même ciller le ferait craquer. Un battement de cils, un battement de cœur de trop, un geste, une respiration. Un rien pouvait le faire craquer. Or, il ne voulait pas craquer, pas maintenant. Et pourtant... Il en avait tout juste l'occasion. Personne n'était chez lui, personne n'allait le déranger, le dévisager ou le juger, personne ne serait là pour le retenir de pleurer, de crier, de s'énerver, de s'effondrer. Alors, pourquoi s'en priver ? Et bien c'était ça. Le jeune homme avait encore besoin de procéder ce qu'il avait découvert. Il avait besoin d'imprimer dans sa tête ce que son cœur lui cachait pendant tout ce temps. Il ressentait le besoin de s'infliger encore une fois cette douleur qu'il avait rencontré en découvrant cette... horrible chose. Cet horrible sentiment.
Soudain, il se leva, la tête basse. Ses poings se serrèrent, son corps fut épris de tremblements. Elle était là, la crise d'angoisse. Cette horrible chose qui l'empêcha bientôt de respirer calmement et correctement. Personne ne serait là pour l'aider. Sa vue se brouilla considérablement mais les larmes refusèrent de couler. Alors c'était ça ? Elles avaient été retenues trop longtemps et maintenant qu'on les autorisait à couler et quitter ce corps frêle, elles refusaient de partir ? Était-ce une vengeance ? Il n'empêche que cette vengeance empêcha le jeune homme de voir les choses, les meubles autour de lui. Tout était devenu flou et brouillon. Il ferma les yeux pour que les larmes sortent et essuya d'une main tremblante ses joues. Il fallait qu'il s'en sorte. La crise était à deux doigts de le frapper, le frapper si fort qu'il craignait ne pas se relever, cette fois-ci. Oh oui, la crise serait plus violente. Il pouvait sentir son cœur s'emballer et une boule se former dans sa gorge progressivement. Il ne lui fallut que quelques secondes avant que la crise éclate. Il attrapa brutalement ses cheveux blonds et tira dessus avec acharnement. Bien sûr, la douleur se fit vive et cinglante mais il s'en ficha et préféra l'ignorer. La douleur physique n'était pas comparable à la douleur mentale, psychologique. Elle n'était qu'une caresse éphémère face à la douleur dans son cœur. Elle... le distrayait de la vraie douleur, celle qui faisait mal, celle qui vous brûlait à en hurler de douleur. Le pauvre homme se sentait ridicule, pire que ça, il se sentait idiot. « Petit sot » lui susurrait cette voix dans son oreille. Et cette voix, aussi vilaine était-elle, résonnait fort, tellement fort. Elle s'amusait, prenait un malin plaisir à semer la zizanie dans la tête du danseur. Alors, pour effacer toutes ces douleurs, il tira sur ses cheveux avec fermeté jusqu'à ce que sa tête ne puisse plus supporter cette douleur atroce. Il lâcha avec fureur ses cheveux malmenés et, pour la première fois de la soirée, il pleura. Et ce qui commença par quelques larmes finit par devenir un torrent de larmes dévastatrices qui baignèrent les joues du danseurs, accompagnées par des sanglots déchirants. Le pauvre homme sentait sa colère s'évaporer alors que les larmes détruisaient ses joues bouffies. Tout son désespoir envahit son être et ses pleurs se firent plus bruyants. Sa chambre fut bientôt remplie de pleurs à vous en déchirer le cœur. Le jeune danseur pleura à s'en déchirer les cordes vocales, debout, immobile. Il ne pouvait pas bouger, il ne pouvait se résoudre à bouger. S'il bougeait, il commettrait une bêtise qui pourrait lui coûter sa santé. Ses poings étaient si crispés que ses phalanges devinrent blanches. Ses ongles, qu'il n'avait pas coupé depuis quelques semaines, se plantèrent dans ses paumes et s'enfoncèrent profondément dans sa chair. Cela lui arracha un sanglot de douleur mais il ne fit pas attention à ce détail. Il était trop perdu dans ses pensées perfides et douloureuses pour se soucier de sa douleur physique. Et même quand sa gorge montra des signes de résistance, il continua de s'acharner sur ses cordes vocales. Plus ses pensées alimentaient son mal-être, plus les pleurs redoublèrent dans la chambre jusqu'à devenir des cris de désespoir, des cris de détresse. Bien qu'il ne le disait pas, on pouvait entendre dans ses cris un appel à l'aide puissant et poignant. Ce pauvre homme se laissait complètement dépasser par ses émotions et ne savait pas quoi faire pour calmer la crise. Tout était trop violent, trop douloureux, trop brutal, trop assommant. « Pourquoi moi ? Pourquoi moi ? Pourquoi moi ?! ».

— Pourquoi moi ?! hurla-t-il, faisant souffrir davantage ses cordes vocales déjà bien abîmées. Pourquoi moi, bordel de...

Le jeune homme ne finit pas sa phrase, il se retourna vivement et se fracassa le poignet en frappant le bois dur de son lit. Son poignet avait heurté si lourdement et durement le bois que le danseur avait cru entendre son os se briser. Mais peu importait ce bruit; La douleur qui irradia dans son poignet le fit se tordre de douleur et, cette fois-ci, il hurla bel et bien pour le mal physique. Son poignet le fit atrocement souffrir. Son visage se crispa de douleur et il n'eut d'autre choix que de bouger. En tenant son poignet cassé, le jeune homme se rendit dans sa salle de bain et chercha dans sa pharmacie un médicament, une poche de glace, n'importe quoi qui pourrait le soulager. Mais sa vue brouillée par ses larmes ne lui permettait pas de voir le nom des médicaments. À cause de la panique et du stress, le cœur du danseur s'emballa et ses pleurs s'amplifièrent. Il balança les médicaments qui ne lui serviraient pas maintenant dans la petite pièce et, enfin, trouva une boîte jaune. Du paracétamol. Rapidement, il ouvrit la boîte avec son poignet valide puis avala le cachet en buvant de l'eau au robinet. Après ceci, le jeune homme, pris d'une folie qui consuma son esprit, alluma l'eau dans sa douche et la regarda couler à travers ses larmes. Il ne savait même pas s'il avait mis l'eau chaude ou l'eau froide. Et, honnêtement, à ce stade, ça lui importait peu.
Elle était froide. L'eau n'était pas gelée mais elle était ni chaude ni tiède. Le danseur s'accroupit dans sa douche, ramenant ses genoux à ses pectoraux, veillant à ce que son poignet brisé ne fasse aucun mouvement brusque. Bouger le bras lui demanda un effort surhumain, de plus. Plus l'eau coulait sur sa tête et ses vêtements, moins les larmes coulèrent. Et c'était tant mieux parce que les larmes lui avaient donné mal à la tête. Le pauvre et malheureux danseur se sentait épuisé, la crise ayant drainé le peu d'énergie qui lui restait encore après cette journée de danse intensive. Il était vidé de sa force, ses yeux lui brûlaient et sa gorge le piquait de façon désagréable et son poignet... Son état ne pouvait pas empirer- Rectification; son état avait malheureusement empiré. Son poignet enfla et bleuit considérablement. Mais le pauvre danseur ne sembla pas le remarquer.
Pourquoi avait-il fallu que ça tombe sur lui ? Pourquoi avait-il fallu que ce soit lui et pas quelqu'un d'autre ? Pourquoi fallait-il qu'il soit si faible ? Il n'arrivait toujours pas à s'en remettre, à procéder. Il... Il l'avait nié à lui-même toute la journée mais... Il n'avait pas vraiment réussi à l'ignorer bien longtemps. C'était tellement humiliant, si humiliant. Comment allait-il agir, maintenant ? Toutes ces questions eurent raison de lui. Il éteignit l'eau dans un geste lent et se laissa porter. Ses paupières s'alourdirent puis il finit par sombrer. Sombrer dans un sommeil tout sauf réparateur...


The Happiest Man - JikookWhere stories live. Discover now