C1.1 - L'affrontement

57 3 3
                                    

— Oh! Réveille-toi! lança une voix forte et masculine.

Erel ouvrit les yeux, l'épaule appuyait contre le rebord de la barque et la tête posait sur un cordage. Elle se redressa péniblement et grommela.

— On en a pas vu beaucoup dormir dans un moment pareil ! ricana un deuxième homme.

 Le premier était Bahn Caelistis, capitaine de l'armée du Daflad. Il était un homme de grande taille, sa stature démontrait sa discipline et sa détermination, le genre d'homme à donner sa vie pour son pays, à suivre les ordres et à savoir en donner. Blond, cheveux courts et yeux verts, grands et étirés. Un regard franc et aussi vif que celui d'un aigle. Une bouche fine et une mâchoire saillante. Tout en lui transpirait l'honneur et la fierté de son pays et de son statut. Un homme important que ce soit pour l'armée du Daflad mais aussi pour la jeune femme récemment éveillée.

 Le deuxième était Enoch Forth, bras droit du capitaine, un commandant vivant dans l'ombre du grand homme. Pourtant, aucune jalousie intestine ne semblait pouvoir briser les liens qui les unissaient.

— Redresse-toi, le combat qui nous attend aujourd'hui va déterminer l'avenir de notre royaume ! lança froidement Bahn à Erel.

 Pour seule réponse, la jeune femme secoua ses longs cheveux brun et soupira.

 La barque s'approchait de la berge. Un embarcadère en pierre recouvert de feu et de cendre. La scène qui se jouait devant les yeux des soldats ressemblait à un feu d'artifice. Le ciel d'un noir profond était déchiré par la lumière rougeâtre des explosions visant à briser les épais mur de la forteresse qui était envahie par l'armée adverse.

 De la plus haute tour de la cité, des mages s'étaient rassemblés autour d'un petit noyau cristallin en récitant des mantras dans une langue oubliée afin d'ériger une gigantesque barrière magique. Ce bouclier protégeait les unités au sol des chutes de vaisseaux volants. Il y avait deux champs de bataille séparés, l'une dans le ciel où l'on voyait des capsules virevolter dans un vacarme foudroyant. Les projectiles qu'ils lançaient ressemblaient à des missiles miniatures visibles lorqu'ils explosaient en touchant une cible. Les vaisseaux touchés s'écrasaient insensiblement sur la clôture magique qui s'illuminait d'une lueur bleu turquoise puis ils se disloquaient le long de celle-ci, morceaux par morceaux, pour enfin disparaitre comme absorbé par ce barrage.

 Puis au sol, on trouvait les soldats, ceux qui se battaient épée à la main, arbalète ou arc au poing. Le métal s'entrechoquant, les cris et les pleurs tranchaient avec la tranquillité nocturne.

 Bahn tourna la tête brièvement vers la jeune femme, il voyait, dans les pupilles de cette dernière, les reflets des flammes et des éclairs des explosions.

 Erel avait la main sur le manche de son épée, ses longs cheveux flottaient dans le vent, aucune expression ne se dessinait sur son visage fin. Elle n'avait qu'une chose en tête. Un seul souhait. Les soldats qui les entouraient priaient pour revoir leur famille, leur bien-aimé, leurs enfants ou encore leur maison. Elle ne priait que pour enfin mourir fièrement sur le champ de bataille, elle n'attendait plus rien de sa propre vie. Non pas qu'elle n'avait plus personne, mais depuis 3 ans, la jeune femme avait sombré dans une dépression chronique contre laquelle elle n'avait pas cherché à se battre. Une misère réconfortante, une lente agonie de l'âme. Bahn luttait pour elle, il avait désespérément cherché à l'aider par bien des moyens, mais Erel ne voulait pas aller mieux, la mort semblait être le seul remède à son mal. Trop lâche pour se la donner elle-même ou bien trop consciente de ce que cela pourrait faire subir à ses proches, elle n'avait jamais franchi le pas. Alors cette bataille se trouvait être sa dernière possibilité de mourir dignement.

Le cristal aubeWhere stories live. Discover now