C1.3 - Sentence

9 1 0
                                    

La guerrière du Daflad repoussa brutalement Gaven une fois qu'elle eut repris ses esprits. Elle ne pouvait pas croire que c'était lui, il avait l'apparence de son ex-fiancé mais il n'aurait jamais agi de la sorte ! Gaven Caelistis n'aurait pas livré son frère et sa fiancée a l'empire adverse et encore moins il ne les aurait servis. Elle se mit à le frapper sur le torse puis au visage en pleurant et en hurlant. Aucun des mots qu'elle lançait à la mine de cet homme n'avait de sens, ils étaient parfaitement incompréhensibles et déformés par la rage qu'elle ressentait. Gaven plissa les yeux et la laissa faire sans même tenter de la retenir, il encaissait les coups. Il les méritait, il savait ce qu'il avait fait et ne pensait pas avoir le droit d'objecter face au rejet de son ex-fiancée. Gaven avait agi en tout état de conscience, il savait que rejoindre l'armée Astéenne lui voudrait un titre de pariât et de traître, que tout ce qu'il avait pu faire sera sali par sa trahison et que plus jamais il ne pourrait retourner dans son foyer, sa ville natale. Il avait payé le prix fort pour une raison qui lui était propre, un choix qu'il avait fait et dont il était prêt à assumer les conséquences.

La Dafladienne finit par s'épuiser et tomba à genoux face, la tête baissée. La soirée avait été éprouvante et elle espérait que cela s'arrête rapidement. Le juge plaça de nouveau son heaume par-dessus son visage, cela lui permis de masquer sa peine, son regard était tordu de douleur mais il savait que son choix aurait des conséquences sur Erel aussi. Il tourna son regard sur sa fiancée encore une fois, le corps de la jeune femme était alourdi par la tristesse et cette révélation peut-être trop soudaine. Y avait-il une bonne façon de procéder? Gaven n'en savait rien, il avait toujours fait ce qui lui semblait être le plus judicieux, le plus juste...et pourtant, ce jour-là il douta.

Le temps passa, quelques heures ou peut-être une éternité, Erel n'en savait rien. Une secousse légère et un bruit de turbine mécanique indiquèrent à la guerrière que le vaisseau Astéen avait atteint sa destination. L'heure du jugement avait sonné.

Des soldats vinrent chercher la jeune femme dans sa cellule. Elle ne croisa ni le chemin de Bahn ni celui de Gaven, son esprit était encore sous le choc de sa rencontre avec ce dernier et avait siphonné toute l'énergie qu'il lui restait.

Sur la plateforme d'atterrissage, à l'extérieur du vaisseau il faisait encore nuit. La ville d'Astéa était silencieuse, les lumières encore éteintes, le peuple adverse dormait tranquillement sur ses deux oreilles alors qu'à plusieurs kilomètres de là, une guerre atroce déchirait deux royaumes et que des soldats trouvaient la mort pour qu'ils puissent jouir d'un si bon sommeil. L'empereur n'était pas encore éveillé, de ce fait, Erel passa d'une cellule froide et humide à une autre. Durant le trajet elle garda la tête baissée et le regard dans le vide, elle ne faisait attention à aucun des éléments qui pouvaient l'entourer et ne chercha pas non plus à s'échapper. Son âme avait été frappée par une douleur sans précédent...un peu identique à celle qu'elle avait ressenti lorsqu'elle avait appris la mort de Gaven. Elle venait d'apprendre qu'il était bien en vie et que donc pendant 3 ans il s'était fait passer pour mort et en plus avait trahi tout ce en quoi il croyait pour rejoindre l'Empire Astéen. Sa résurrection ou sa trahison, impossible pour la guerrière du Daflad de savoir lequel de ces évènements la touchait le plus, mais elle aurait aimé comprendre les actes du dernier Caelistis avant de mourir.

Pour la sentence, les deux soldats furent contraints d'attendre jusqu'au matin, une heure avancée car le soleil était haut dans le soleil au moment où les soldats vinrent de nouveau chercher Erel. De nouveau ils traversèrent de nombreux corridors, passerelles et autres...la guerrière ne fit pas attention au paysage, elle ne voulait pas voir le visage couvert de dégoût des Astéens face à elle, ni entendre leurs paroles belliqueuses.

L'Empereur Emett Draxak d'Astéa était assis sur une belle chaise en bois dont les coussins étaient finement brodés d'or, le bureau était en ébène et sentait le vieux bois, les sols et les plafonds étaient richement ornées de toute sorte de pièces chères et représentant l'histoire de l'Empire. L'empereur était un vieil homme aux cheveux grisonnants et dont le visage était marqué par de nombreuses rides. Le juge master était au côté de l'empereur, Erel jeta un rapide coup d'œil vers lui mais elle détourna les yeux pour ne pas pleurer de nouveau. De l'autre côté un autre homme se tenait droit, les mains dans le dos. Un homme mature aux traits fins voir presque féminin, il avait les cheveux noirs et mi-long attaché en queue de cheval basse, une longue mèche passait sur le côté gauche de son visage. Erel supposa qu'il devait s'agir de Vaik Draxak d'Astéa le fils aîné de l'empereur.

L'empereur Emett se redressa sur sa chaise et observa la jeune femme quelques instants, le visage fatigué et rougis par la tristesse de celle-ci ne manqua pas d'éveiller en lui de la pitié. Cette femme il ne la connaissait pas et bien qu'elle se battît contre son empire, il ne ressentait aucune haine envers elle, après tout, cela n'avait rien de personnel.

— Avoues-tu avoir participé à la rébellion contre notre Empire lors de la bataille de Qrita ? Demanda l'Empereur

— Oui. Souffla Erel à bout de force

— Étais-tu sous les ordres du capitaine Bahn Caelistis ?

— Oui.

— Quelle punition devrais t'être infligé selon toi ?

— La mort...

— C'est effectivement le sort le plus sûr pour mon empire. Cependant, je n'ai qu'une parole et je souhaite tenir la promesse que j'ai faites à mon juge master. Une vie pour une vie. A présent, tu seras la servante de mon juge master.

L'empereur marqua une pause pensant que la guerrière du Daflad allait répondre mais ne vint jamais. La jeune femme était abasourdis par ce revirement de situation, elle pensait être libérée de toute cette folie par la mort mais à la place on lui offrait une vie de servitude dans le plus grand des déshonneurs. Comment Gaven avait-il pu suggérer une chose pareille? Qu'avait-il en tête ? Qu'avait-elle bien pu lui faire pour mériter un châtiment si cruel?

— Si tu tentes de sortir du château, si tu agresses qui que ce soit, si tu vas dans des zones non autorisées aux personnels ou bien si tu ne fais que regarder un Astéen de travers tu mourras. Est-ce bien clair? Renchérit Vaik, le fils de l'empereur, d'un ton menaçant

— Allons, je suis sûre qu'elle se tiendra bien. Après tout, ses actes futurs auront des répercussions sur le juge master. Ce serait dommage de perdre deux bons guerriers la même journée n'est-ce pas?

— Je vous assure Empereur que ma nouvelle servante ne causera aucun trouble dans le château, je me porte garant d'elle.

— Je sais Gaven, cela était déjà convenu. Je veux l'entendre de sa bouche. Soupira l'empereur d'un ton las comme si cette conversation lui coutait beaucoup de son temps et de son énergie.

Erel savait qu'elle devait acquiescer sans chercher à se faire remarquer pour l'instant. Mais la situation lui était trop insoutenable. Maintenant, elle serait condamnée à être la servante de son ex-fiancé décédé ? Dans quel monde cela pouvait-il se produire? L'indignation et la colère étaient les seuls sentiments qui résonnaient en elle pour l'instant.

— Pourquoi...souffla-t-elle, pourquoi me garder en vie?

— Je te l'ai dit, c'est une promesse que j'ai faite à notre juge master. Je comprends mieux pourquoi il souhaite tant te garder en vie et près de lui maintenant que je te vois. Mais je pense toujours qu'il prend plus de risque que de raison.

— Cette mascarade m'agace, promesse ou pas, soit elle accepte soit elle meurt.

— Je veux mourir.

Les derniers mots de la jeune femme furent ceux-là. Ce qui ne manqua pas de faire s'esclaffer de rire l'empereur. Cette situation il ne l'avait que trop anticipé. Il voyait la fougue de la jeunesse et les esprits obtus de ceux qui se battent pour leur pays. La mort plutôt qu'une vie de servitude. Peut-être qu'Erel faisait le bon choix mais l'Empereur était un homme qui tenait parole et qui était bien plus clément que ce que l'on pourrait croire.

— Alors, tu préfères mourir que de servir le juge master. C'est intéressant comme choix. J'aimerais beaucoup que mes soldats agissent comme toi. Cependant, tu n'as pas vraiment le choix. Je tiendrais ma parole auprès de Gaven. Et comme l'a dit mon fils, tu mourras si tu enfreins les règles. Sur ce, Gaven je te la laisse, tu règleras les détails avec les autres servants et tu peux faire ce que tu veux d'elle. En revanche, je t'interdis de la faire sortir du château, est-ce bien clair?

— Oui, Empereur Emett. Il sera fait selon vos ordres.

— Parfait! Bonne première journée dans le château d'Astéa jeune femme, puisses-tu le trouver aussi agréable que possible. Sache qu'ici personne ne te fera de mal. Termina l'Empereur d'un ton chaleureux.

Erel pensait qu'il s'agissait là d'une moquerie et d'un affront supplémentaire mais alors qu'elle releva la tête pour observer le vieil homme, il lui parut sincère. Tout le monde agissait bizarrement dans cette pièce.

Le cristal aubeWhere stories live. Discover now