C7.2 Séparation

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Angélique n'avait stoppé sa course que lorsqu'elles furent dans le château et à l'abri. Elle n'avait jamais couru aussi vite de sa vie, le souffle court, elle haletait, et l'air qui pénétrait ses poumons brûlait sa trachée. Elle était appuyée contre un mur et bégaya quelques mots pour montrer son mécontentement à sa collègue. Pour la servante, la conversation avec Cidolfus Continius Arch était une erreur ; jamais Erel n'aurait dû écouter ce que ce vieux fou avait à lui dire, qui plus est maintenant qu'elle était sa cible. Dans le château, aucun servant n'était au courant du mode de fabrication des pierres artificielles, ni même de leur existence. Les cercueils du Labyrinthus n'étaient qu'une tâche parmi tant d'autres, et personne ne voulait en savoir plus. Et pour cause !

Désormais, les deux servantes étaient des pièces de choix pour le scientifique. Elles connaissaient le secret des pierres artificielles, il fallait donc s'assurer qu'elles se taisent. Pour toujours. La curiosité d'Erel avait peut-être coûté sa propre vie, mais aussi celle de la rouquine. Angie essayait tant bien que mal de lui faire comprendre, mais la guerrière avait une vision bien différente. Là où son amie voyait une faute, elle voyait une progression dans ses découvertes. Gaven serait sans doute ravi d'apprendre ce que Vaik et Cidolfus fabriquaient dans ce laboratoire. Peut-être même était-ce là une brèche afin de faire tomber Astéa et restaurer la paix.

La belligérante pensa prévenir Lysandre, le cadet de Vaik, mais elle n'était pas sûre de pouvoir lui faire confiance. Il n'était peut-être pas prêt à affronter la réalité sur son frère, elle ne comptait en parler qu'à son ex-fiancé ; il saurait mieux qu'elle quoi faire d'une telle information.

Et comme si Angélique avait lu dans ses pensées, elle s'empressa de la dissuader d'en parler à qui que ce soit, au risque de mettre la vie de ces personnes en danger. Le juge master avait, certes, une place importante dans l'armée astéenne, mais il n'était pas irremplaçable et Vaik aurait vite fait de l'éliminer s'il devenait un caillou dans sa chaussure.

— Tu n'as plus le choix ! Il faut que tu quittes le château, il va te tuer, ou pire, t'utiliser comme cobaye, s'exclama la rouquine d'un ton réprobateur.

— Je ne peux pas fuir, j'ai fait le choix de rester auprès de Gaven. La rébellion ne m'acceptera jamais. Et puis, même si je voulais partir, comment ? Il y a des gardes partout, et qu'adviendrait-il de Gaven ? S'inquiéta la guerrière.

— Il ne s'agit plus de ce que tu veux ou non. Le scientifique t'a lancé un avertissement, tu vas finir dans un de ces cercueils, tu sais ce que ça signifie, non ? Il va te tuer. Tu aurais dû y penser avant de l'écouter parler. On aurait dû partir dès qu'il est entré dans cette maudite pièce, regretta Angélique.

— Tu plaisantes, j'espère. Te rends-tu compte de ce que nous venons de découvrir ? Cela pourrait changer le cours de la guerre, Angélique ! S'énerva Erel.

— Justement ! Tu penses qu'ils vont gentiment attendre que tu transmettes un message à la rébellion ou même au juge master ou à qui que ce soit d'autre ? S'il t'a révélé tout ça, c'est parce que tu es déjà morte à ses yeux.

Erel claqua la langue entre ses dents et tapota nerveusement son index sur son menton. Elle n'allait pas avouer que sa camarade avait raison, mais elle n'en pensait pas moins. Le scientifique allait l'enfermer dans le Labyrinthus pour toujours, et elle allait servir de vecteur pour la création d'un nouveau cristal artificiel.

Aussi déplaisant que cela pouvait lui paraître, la seule solution était la fuite. Que penserait Gaven? Elle s'imagina un instant ce qui allait arriver à son ex-fiancé et la peur s'empara d'elle. Ses sentiments se mélangèrent pour ne laisser place qu'à de la colère, une haine incommensurable et inextinguible contre cet Empire qui lui gâchait la vie. Angélique ne s'occupa pas des états d'âme de son amie et s'empressa de la guider vers l'aile des servants où elles pourraient mettre sur pied un plan d'évasion pour la belligérante. Le temps ne jouait pas en leur faveur, les deux soubrettes ne disposaient que d'une très petite fenêtre de manœuvre et elles allaient avoir besoin de toute l'aide qu'elles pourraient trouver.

Le cristal aubeWhere stories live. Discover now