2 / Blair

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- Je vous conseille de prendre votre douche le matin, l'eau est plus chaude et moins de personnes se lavent à ce moment.

Sydney, Jeanne et moi aidons nos filleules à ranger leurs valises. Cela nous permet de nous familiariser avec elles et de juger le contenu de ces valises.

Willow n'est pas boursière. La plupart de ses vêtements de marque viennent de chez Dior ou de chez Chanel, tout comme son parfum. Du coco mademoiselle qui vaut une fortune. Son uniforme est totalement neuf et le vernis de ses chaussures est intact. Ce n'est pas le cas de Bonnie, la filleule de de Sydney.

Sydney voix d'ange a aussi bossé très dur pour en arriver là. Boursière, elle a démarré tout en bas de l'échelle. Mais elle ne s'est jamais laissée faire et sa malice l'a propulsée dans le top 3. Elle a pu compter sur sa voix pour garder sa place sur le podium depuis notre deuxième année. Sydney est la chanteuse du groupe de l'école, et tous les garçons sont fous d'elle. Elle se donne un côté inaccessible qui leur plait.

Bonnie a acheté son uniforme d'occasion. Peut-être même qu'elle avait une sur dans cette même école qui lui a donné ses vêtements. Ses chaussures sont bousillées sur les pointes et ses talons sont inégaux. Elle est bien coiffée et se donne une image d'élève studieuse, mais Sydney peut voir à ses produits d'hygiène bon-marché que Bonnie ne va peut-être pas rester dans le top 3. Si elle n'a pas le même répondant que sa marraine, elle va se faire écraser.

Jeanne et Sydney ne semblent pas trouver d'élément particulier dans la valise de leur filleule. Pas d'objet étrange, pas de culotte ridicule, pas de journal intime. Nous n'auront pas le privilège de les humilier à cause de ça.

Tous les ans, il y a une ou deux filles qui porte des culottes immondes. Ce sont les plus humiliées lors de la nuit des horreurs, avec celles qui se pissent dessus de peur. Je m'attends à du lourd pour ce soir, et j'avoue ressentir une pointe de fierté en constatant que Willow est irréprochable.

- Vous verrez, vous y serez bien, les filles.

Jeanne et Sydney se tournent vers moi sans discrétion pour sourire malicieusement.

- N'hésitez pas à venir nous voir si vous avez le moindre problème, ajoute Jeanne en dépliant un des gilets de sa filleule.

La filleule de Jeanne se prénomme Leila. Elle est d'un métissage sublime qui met ses yeux noisettes en valeur. Sa peau est rayonnante et sa bouche est parfaitement dessinée avec un rouge à lèvres naturel. Pour le moment, elle ne montre rien d'alarmant, mais je la soupçonne d'aimer un peu trop le maquillage, ce qui pourrait lui porter préjudice. Les filles sont très jalouses entre elles. Et quand les filles sont jalouses, elles sont méchantes. Leila ne passera pas inaperçu dans les couloirs.

Parce que nous soulignons la disparité entre les élèves de Terminale et les élèves de première année, mais il faut compter les deux autres classes entre les deux.

Les deuxièmes années, qui sont vêtues d'un uniforme bleu, ont supporté une année entière de bizutage. Elles ont pris le temps de travailler leurs défenses et organiser le classement. Les plus déterminées ne perdront pas une seconde à sortir leurs griffes pour attaquer les plus fragiles.

Quant aux troisièmes années, elles vivent leur dernière année de souffrance. C'est la dernière ligne a franchir, le dernier moment pour s'assurer une position assez haut dans le classement. En général, ce sont les filles les plus ignorées dans la tradition du bizutage, mais ce sont celles qui se font remarquer le plus. L'année dernière, nous étions de ces filles, et c'était un vrai chaos. J'ai hâte de voir ce que nos héritières vont nous concocter.

- Bon. On va vous laisser tranquille. Nous avons des choses à faire.

Le rangement des valises terminé, nous abandonnons nos filleules pour préparer la nuit des horreurs. Elles auront tout le temps de faire connaissance et de former des clans. Une après-midi, c'est assez pour découvrir quelques secrets et amasser des informations néfastes. Après cette nuit, elles seront changées.

Le rassemblement se fait au sous-sol, dans la salle qui sert au club musique, le fameux groupe de Sydney. Nous devons dégager tous les instruments pour libérer l'espace. Cinquante élèves stockées dans un petit espace c'est très anxiogène, parfait pour nos premières années innocentes.

Il n'y a pas de fenêtre, ce qui ne laisse passer aucune lumière et aucun courant d'air. Il y fait une chaleur étouffante et la réverbération donne le tournis. Nous rions à gorge déployée en imaginant notre soirée. Nous qui étions à leur place il y a trois ans, avons enfin la chance d'être de l'autre côté du rideau.

Le soir, nous profitons d'un grand diner dans le réfectoire. Il parait pas mal vide sans les autres classes mais encore une fois, c'est un moyen d'apprendre à toutes nous connaître. Les vingt-quatre Terminales mangent en face des vingt-cinq premières années. Et ça commence déjà à se moquer les unes des autres.

Willow est très maniérée. Elle mange lentement, mâche beaucoup et se comporte comme une princesse. Je ne dis rien, mais garde cette information dans un coin de ma tête. Cela nourrit déjà quelques idées pour la mettre à l'épreuve.

La filleule de Tina est en bout de table, face à un immense vide. Les deux filles à côté d'elle se foutent ouvertement de sa gueule et la regardent d'un air hautain. J'espère sincèrement que Boule Puante et Sophie cheveux gras sauront se montrer cruelles pour les remettre à leur place.

En plus de ses manières de la haute, Willow est très silencieuse. Elle regarde seulement son assiette et ignore les remarques de ses camarades ou des miennes. Ça me fait sourire.

Tout est parfait chez elle. Sa frange est coupée bien droite, ses cheveux son lisses et fins, quelques mèches attachées à l'arrière de son crâne avec un ruban noir totalement droit. Il est noué de la même manière que le nud qu'elle porte autour du cou et qui habille sa chemise hors de prix.

Profite de ce calme, Willow. Parce que tu vas morfler.

Après le repas - que nous avons également partagé avec nos professeurs principaux : Madame Briand et Madame Chopin ; du directeur de l'école, du concierge et de Madame Richter, la surveillante de l'internat - nous nous rendons dans nos dortoirs. Il est tard, nous avons quartier libre jusqu'à vingt-heures, puis extinction des feux. Tout le monde se couche. Du moins, les premières années vont vouloir se coucher. Mais nous les en empêcheront, parce que ce soir est un soir de fête et de célébration. On va célébrer une nouvelle année haute en couleur.

- PAUSE - (⚢) L'école des Femmes - T1Where stories live. Discover now