3 / Willow

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Mon père tenait absolument à ce que j'aille dans cette école. Lui, a passé ses quatre années à l'école des garçons et a exprimé le plaisir qu'il en a tiré. Il dit que l'éducation y est particulière : "un peu dure, mais amusante". Il dit aussi que s'il en est là aujourd'hui, c'est grâce à cette école.

Il m'a expliqué qu'avant d'entrer dans son école pour garçons, il ne faisait même pas peur à une mouche, qu'il était idiot et mou. Cette école lui aurait appris à devenir un homme et il espère que cela me durcira un peu.

Il ne veut plus me voir pleurer. Il n'aime pas ça, et il dit que ça m'enlève de mon charme. J'aime beaucoup mon père, mais c'est vrai que je ne supporte plus les coups qu'il donne à ma mère et ses cris.

- Je ne veux pas que tu finisses comme elle, me disait-il à chaque fois. Ta mère est stupide et soumise. Toi, tu seras une grande femme de pouvoir.

D'après lui, si ma mère est ainsi, c'est parce qu'elle est allée dans le public et qu'elle n'a rien appris d'intelligent ou de constructif. Mais il l'a quand même épousée parce qu'il commençait à se faire une place importante dans le monde des affaires et à ce moment, il espérait faire d'elle une mannequin. Mais elle est tombée très vite enceinte. Son corps a changé et elle est vraiment devenue bonne à rien.

Je ne veux pas finir comme ma mère. Je ne veux pas me marier parce qu'un homme m'a fait des promesses. Je ne veux pas me taire devant sa violence et surtout, je ne veux pas la subir. Mon père ne m'a jamais levé la main dessus, et je sais qu'il ne le fera jamais. Surtout si j'arbore cette image qu'il attend de moi.

Il ne pouvait pas m'accompagner, alors il m'a offert une collection entière de rubans à nouer dans mes cheveux ou sur ma chemise. C'est donc ma mère qui m'a déposée devant l'école et m'a saluée d'une énorme embrassade. Elle a pleuré mon départ et je sais que même si elle m'aime, même si je vais lui manquer, ce n'est pas pour ça qu'elle a pleuré. Elle a pleuré parce qu'en mon absence, mon père est encore plus violent.

Si je deviens une femme forte, si j'y arrive, j'emmènerai ma mère loin d'ici. Nous partirons ensemble et je la protègerai. Je gagnerai assez d'argent pour lui payer une maison et la mettre en sécurité. Même si je garderai contact avec mon père, parce que je l'aime et parce qu'il espère qu'on travaille ensemble, je lui ferai face. Je lui demanderai qu'il laisse ma mère et il n'aura pas d'autre choix que d'obéir. Parce que je serai devenue une femme de pouvoir.

Mais avant de devenir une femme de pouvoir, je dois passer mes quatre années dans cette école pour filles. C'est une école privée, prestigieuse et réputée pour ses méthodes peu conventionnelles. Il paraitrait que nous avons plus de pratique que de théorie, et que les professeurs sont très laxistes.

C'est vrai que Madame Briand, notre professeur principale, pourrait faire peur avec son chignon serré, ses petites lunettes rondes et sa longue robe démodée, mais elle est en fait vraiment gentille. Elle nous a accueillies avec le sourire, nous a préparé pour notre premier jour et était ravie de faire la photo de classe. Nous étions toutes très jolies, mais lorsque les filles de Terminale sont arrivées, nous avons été époustouflées par leur prestance.

Mon père avait raison, toutes ces filles paraissaient intimidantes et charismatiques. Elles transpiraient le prestige et les plus populaire se faisaient respecter. Elles sont arrivées deux par deux, dans un rang parfait et raffiné.

La plus jolie d'entre elle, c'est Blair, ma tutrice. Elle est doté d'une teinte de cheveux noir corbeaux, plus foncé que le mien, et d'une paire d'yeux bleus azur. Son regard est hypnotisant et toute ma classe s'est exprimée sur sa beauté en la voyant arriver.

Elle m'a choisie, moi, pour le tutorat. Elle a décidé qu'elle voulait être ma marraine et je me suis sentie très flattée. Je n'ai pas pu empêcher le rougissement de mes jours lorsqu'elle s'est présentée.

L'uniforme des filles de Terminale est rouge. Le veston et la jupe sont rouge, et représente leur supériorité. Elles sont bien plus voyantes que nous, premières années. Nos uniformes sont gris et passent un peu trop inaperçu. Avec ce que m'a dit mon père, j'en ai conclu que cela représentait le prestige que nous gagneront en trois ans d'études. Une fois en Terminale, nous aurons nous aussi droit de porter cette couleur vive, associée à l'image de la femme fatale.

Nous avons suivi nos marraines dans nos dortoirs. Nous ne les avons pas choisis et je me suis retrouvée avec deux filles que je ne connais pas. Bonnie et Leila.

Je ne connais personne ici, mais Bonnie et Leila me paraissent très sympathique. Même si Bonnie porte des vêtements abimés, je ne la juge pas. Elle a un très joli sourire et Leila est mise en valeur par son métissage. Elle porte peut-être un peu trop de maquillage. Je prône le naturel et mon père dit que les femmes se maquillent pour cacher leur laideur. Alors moi, je n'en ai pas besoin. Je ne sais pas si c'est vrai, mais je me suis habituée à porter un visage naturel, seulement hydraté de crèmes de fortune.

Blair n'a pas beaucoup parlé. Elle nous a conseillé de prendre notre douche le matin et m'a apporté son aide pour vider ma valise. Elle a pris mes vêtements avec délicatesses et les a bien rangés, de façon ordonnée. C'est là que j'ai compris l'élégance dont il fallait faire preuve. Et ça tombe bien, parce que l'élégance fait partie de mon mode de vie. Mon père m'a éduquée dans des traditions de la haute société et me baigne dans le luxe depuis ma naissance.

L'élégance, c'est de ne pas se vanter de son argent et de ce que l'on possède, surtout devant des personnes comme Bonnie, qui semble ne pas en avoir beaucoup. Il faut inspirer la richesse, mais ne pas la montrer. Comme les filles de Terminale, elles n'ont pas besoin de parler pour faire valoir leur supériorité.

Je pensais que ce serait facile pour moi d'atteindre ce taux de prestance. Je pensais qu'en ayant la chance d'avoir Blair pour tutrice, j'allais intégrer le groupe des populaires. J'avais déjà senti quelques regards admiratifs ou jaloux de la part de mes camarades de première année, mais durant le repas du soir, des groupes ont commencé à se former. Quelques filles en ont critiqué d'autres et parfois, avec leurs tutrices. Au centre de la table, c'était particulièrement bruyant. Et la cause principale de toute cette agitation, c'était une fille assise tout au bout. Elle a dû manger seule parce que l'élève de Terminale qui doit s'en occuper n'est pas présente. Elle serait malade et ratera peut-être quelques jours de plus.

Ça m'a fait beaucoup de peine de la voir comme ça, alors je suis allée la voir à la fin du repas pour lui tendre une main amicale.

- Salut. Je m'appelle Willow. Je voulais t'inviter à manger a mes côtés mais il n'y avait plus de place...

Elle me sourit de toutes ses dents, exposant son énorme appareil dentaire.

- Moi c'est Béthanie. Et ne t'inquiète pas, je n'aime pas trop manger avec du monde autour de moi, de toute façon...

La mâchoire inférieure de la blonde est retenue à celle du bas par un élastique de chaque côtés de ses bagues. Et des morceaux de nourriture se sont logés sur ses dents. Je déglutis pour cacher une grimace offensante. Par chance, mes camarades de dortoir reviennent vers moi.

- Tu viens, Willow ? Me demande Leila en passant son bras autour du mien. On va tirer les cartes pour voir comment va se passer l'année.

Je prévoyais une année tranquille et reposante, loin des soucis de chez moi. Je prévoyais d'étudier dur, de participer à des clubs qui me mettraient en valeur, et passer du temps avec mes nouvelles amies. Mais je ne prévoyais pas une nuit agitée et terrifiante. Je ne prévoyais pas un bizutage et encore moins de cette ampleur.

- PAUSE - (⚢) L'école des Femmes - T1Where stories live. Discover now