8/ Willow

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La nuit des horreurs porte bien son nom. Elle a terrifié toutes les premières années, nous a fait pleurer, crier, angoisser... C'était totalement humiliant et dégradant. Les Terminales nous ont collé à toute une étiquette, dont tout le monde va se servir pour nous humilier davantage.

La mienne, c'est "Coco Mademoiselle", le nom de mon parfum. Blair l'a beaucoup observé lors du rangement de nos affaires et a compris que mes parents étaient riches. Je ne m'en suis jamais vantée, mais tout le monde l'a vu. Aujourd'hui, ce sera mon étiquette. Et mon but est de la changer en quelque chose de plus positif, de plus personnel. Quelque chose que j'aurais choisi, une image que je me serais créée.

J'ai réussi à contenir mes larmes devant tout le monde mais une fois seule, dans l'obscurité et le silence de la chambre, j'ai pleuré. J'ai tout de même pleuré moins fort que Bonnie, qui n'a pas dormi de la nuit. Leila l'a rejoint dans son lit et a essayé de la calmer, en vain. Je ne voulais pas la mettre encore plus dans le mal, alors je suis restée dans mon coin et j'ai gardé mes angoisses pour moi.

Au petit matin, nous sommes réveillées par l'arrivée des autres élèves de deuxième et troisième année. Elles portent des costumes verts ou bleus et sont déjà plus assurées que nous, les premières années. Elles ont déjà subi la nuit des horreurs et entament leur année de changement. Elles seront impitoyables et si j'ai marqué des points auprès de ma classe et auprès des Terminales, je dois encore mériter ma place en convainquant ces autres filles.

D'ailleurs, la vidéo du bizutage est déjà disponible. Depuis la veille, elle est en ligne sur un compte privé de l'école. Il y a le même pour mes garçons et lorsque notre invitation est acceptée, nous avons accès à toute la vie de l'école des garçons. Il y a le même genre de choses que la notre et leur vidéo de rentrée est également disponible en entière. On y voit des garçons nus, humiliés par les plus grands. Je n'ai pas le courage de regarder, alors j'éteins mon téléphone et décide enfin à revêtir mon uniforme.

Bonnie se lève avec des yeux rouges et un visage pâle. Elle s'habille lentement et en silence, comme si passer son bras dans une manche était devenu tout à coup une épreuve. J'ai énormément de peine pour elle parce que Sydney lui a donné une image de fille facile et malheureusement, si elle veut s'en débarrasser, il faudra qu'elle soit créative. Ou alors, elle doit accepter son étiquette et comme Jeanne, s'en servir pour grimper sur le podium.

Le classement n'est pas encore à jour. Elles attendent celui des garçons pour le publier, tout comme les garçons attendent le leur. Elles vont devoir regarder la vidéo du bizutage en entier et noter le corps de ces pauvres premiers années ligotés. Je ne doute pas de leur facilité à regarder et juger, mais je trouve cela obscène.

C'est notre première journée de cours, où nous faisons la connaissance de tous nos professeurs, qui sont les mêmes pour tout le monde, et sont certains sont même professeurs principaux des autres classes. Et c'est avec étonnement que l'on découvre des professeurs hommes. Dans une école de filles, qui se bat pour le prestige via des caractéristiques physiques et sexuelles, je trouve cela encore plus déplacé d'y accueillir des hommes. Mais que dire ? Notre directeur aussi, est un homme.

Leila et moi attendons Bonnie pour quitter la chambre et nous rendre à notre premier cours. Nous croisons la route d'autres filles, verte, bleue et rouge. Et toutes nous regardent en chuchotant ou en rigolant.

- J'y arriverai jamais, se plaint Bonnie en serrant son ventre de ses bras. Le harcèlement tue des gens et eux, ils en rigolent.

Leila soupire et lui donne une tape dans le dos.

- Mais si, tu y arriveras. Il faut te montrer forte.

- Je ne suis pas forte.

- Mais si. Tu vas le devenir, ne t'inquiète pas.

Nous entrons dans la classe d'anglais et trouvons trois tables vides dans le fond de la classe. Elles sont toutes espacées mais être les unes à côté des autres nous rassure. Ça rassure Bonnie.

- Je ne vais jamais rester troisième. Esther et Jenny vont me bouffer. Regardez-les. Jenny a une forêt noire entre les jambes et pourtant, elle est super confiante.

- Ne t'occupes pas d'elles, Bonnie, râle Leila. Elles sont stupides. Leurs marraines vont s'occuper d'elles et les remettre à leur place.

- Moi, ma marraine, elle va me balancer aux garçons comme un bout de viande. Je vais être obligée de coucher avec eux. Alors que je suis encore vierge.

- Tu ne coucheras avec personne. Tu vaux mieux que ça. C'est pas parce que "Jeanne aux doigts de fée" s'amuse à branler des mecs qu'il faut faire pareil. Tu les ignores et tu fais ta vie de ton côté.

- Tu m'as l'air bien confiante pour quelqu'un qui s'est fait gifler plusieurs fois par Jeanne aux doigts fée.

- Ouais. Parce que moi, j'en ai rien à foutre des autres.

C'est lorsque Blair a repris son discours de bienvenue que Leila s'est fait gifler pour la dernière fois.

- Retenez-bien que nous ne faisons pas tout ça dans le but de faire de vous des parias de la société, nous a assuré Blair en reprenant sa démarche assurée. Au contraire, nous sommes là pour vous endurcir, vous rendre plus tenace face à ce que vous allez vivre une fois adultes. Vous-

- Qu'est-ce que t'y connais, de la vie d'adulte, toi ? L'a interrompue Leila.

Jeanne lui a donné une nouvelle gifle, plus violente que toutes les autres.

- On ne coupe pas la parole de Blair.

Blair a sourit et a reprit son monologue :

- Prenez exemple sur votre camarade. Elle se montre forte. Encore faut-il que cela dur.

C'était un avertissement, parce que la nuit des horreurs n'était que le commencement. Déjà, on peut voir que des clans se forment, des filles à des places différentes du classement s'allient et les plus téméraires s'en prennent aux plus faibles.

En à peine une heure, le harcèlement a commencé au sein de ma classe. Des filles ont retenu Betty dans les toilettes pour l'insulter et la bousculer, tandis que Esther et Jenny ont dégradé sa table en y inscrivant des insultes, en faisant des dessins au marqueur et en crachant dessus. Jenny a même versé de la peinture et l'a étalée avec un mouchoir.

Béthanie est tout en bas du classement à cause de l'absence de sa marraine, qui est de toute façon aussi à la fin du classement. Elle a été surnommée Ugly Betty et chaque fois qu'elle ouvre la bouche pour parler, les autres pouffent de rire. Elle ne semble pas plus affectée que ca, juste exaspérée. Elle nettoie la table au mieux avec de l'eau et un mouchoir.

Je la regarde avec pitié mais quand elle tourne la tête vers moi, je l'ignore. Je le peux pas aller l'aider, ou je risque de perdre ma place. C'est une chance inouïe d'être déjà au sommet du classement et si je veux rendre mon père fier, je dois rester tout en haut du podium.

- PAUSE - (⚢) L'école des Femmes - T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant