Chapitre 11

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Grandir c'est décevoir un peu,
Il faut s'appliquer s'il l'on veut rater sa vie.

Comme si j'y croyais, Pomme.


Les filles sont en rattrapage pour leur devoir d'anglais, la cour est presque vide, la plupart des élèves sont à la cantine. Je fais aller mon crayon sur le papier de mon carnet, essayant refaire le groupe de garçon qui discute au loin. Le ciel est gris mais il ne pleut pas encore.

« Qu'est-ce que tu fais ? »

Interpellée, je tourne la tête vers ma droite où j'aperçois Laubrac les mains dans ses poches, grignoter sa tartine de pain.

« Je dessine. »

Il s'approche pour s'asseoir à côté de moi.

« Les filles sont encore dans la classe de madame Couret ? »

Je finis les détails de la veste du blond du groupe avant de lui répondre.

« Oui, je crois qu'il y en a encore pour une quinzaine de minutes. »

Il soupire en laissant sa tête reposer sur le mur tandis que je me concentre à nouveau sur le groupe de garçon. Des terminales je crois, il me semble qu'ils connaissent tous Jean Pierre. Il y a un silence durant lequel je me contente de faire aller mon crayon de bois contre la feuille, parfois dérangée par la porte de la cantine qui s'ouvre pour laisser sortir des élèves.

« Tu dessines depuis longtemps ? »

« Oui, j'ai toujours apprécié faire ça, en plus de lire. »

« Qu'est-ce que tu lis ? » s'empresse-t-il de me demander.

Pour une fois que je fais face à quelqu'un qui aime autant lire que moi, je ne m'en prive pas.

« De tout, j'ai toujours un livre avec moi, peu importe où je vais qu'il vente, qu'il pleuve, ou qu'il neige. »

Il rigole.

« Je vois. Tu lis quoi en ce moment ? »

« La Chute, Camus et la Séquestrée de Charlotte Perkins. Et toi ? »

« J'ai emprunté la métamorphose de Franz Kafka. »

« Oh, tu verras je l'ai beaucoup apprécié, je le trouve bien. »

Il sourit.

« Je me doute que tu as une grande collection non ? »

J'acquiesce en riant.

« Ok, alors, si parmi tous les livres que tu avais lu tu devais en choisir qu'un, ce serait lequel ton préféré. »

Je fais non de la tête ce qui paraît l'amuser.

« Tu n'en n'as pas ? »

« C'est quelque chose que je garde pour moi. Comme mes croquis. Je ne les montre jamais. »

« Ah ouais ? Pourquoi ? »

« Je dessine les gens sans mentir. Tout ce qu'il y a dans ce carnet représente la réalité. C'est une partie de moi. C'est la faiblesse de ceux que je dessine, ce qu'ils sont. Ceux sont eux, et moi. En ce qui s'agit des livres, je déteste qu'on lise en moi, un livre préféré veut tout dire sur une personne. »

« C'est bien pensé. »

Je rigole.

« Ce n'est que la vérité. »

Je tourne la tête vers la porte de la cantine qui s'ouvre en entendant le brouhaha qui en provient. J'aperçois Dupin et Descamps sortir de celle-ci accompagné par un troisième garçon. Ils s'allument tous les trois une cigarette avant de passer devant nous.

Pretty When You CryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant