Chapitre 1

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"C'est tout seul qu'on peut devenir quelqu'un."

Anonyme

Bip. Bip. Bip.

Sous ma peau, je sens pulser quelque chose. Quelque chose de... mécanique. Quelque chose me faisant l'effet d'être de trop sous mon bras.

Mes yeux s'ouvrent lentement, puis je découvre peu à peu une grande étendue blanche. Celle-ci se révèle être un banal plafond de couleur neutre. De minuscules larmes viennent perler à mes yeux, sans que je n'en ai donné l'ordre.

Sur tout mon corps, je sens des choses. Des choses qui n'ont rien à faire ici, qui sont là pour une raison inconnue. Je sens qu'elles sont ici, à tel point que je pourrai même les toucher.

Je bouge alors les doigts de pieds, pour commencer à éveiller mon corps.

Brusquement, une douleur s'empare de mon corps. Fulgurante, brûlante et bien d'autres adjectifs descriptifs. Trop, même, pour une simple douleur.

Celle-ci semble résonner dans tout mon être, telle une puissance infinie, incontrôlable et ayant une faim immense. Une faim dont je serai la proie.

Serrant les dents pour ignorer, oublier, continuer, je découvre une odeur. Une odeur acide, piquante sur les bords. Même si l'odeur n'est pas agréable en elle-même, une impression de délivrance s'empare de mon visage. Comme si, depuis longtemps, je n'avais pas... vécu.

Malgré cette délivrance, je ne peux m'empêcher de trouver qu'il me manque un je ne sais quoi. Un je ne sais quoi essentiel, un je ne sais quoi ne répondant pas à l'appel.

Dans ce maelström de sens, je ne sais que ressentir. De la joie ? Je ne sais pas par quoi la manifester. De la tristesse ? Quelle en serait la raison ? Du dégoût ? Non, aucune raison que je ne ressente cette émotion. De la peur ? Peut-être bien...

Penser à ce que l'on peut ressentir n'est pas normal, je m'en rends bien compte. Mais pourquoi aucune émotion ne me vient ? Pourquoi maintenant ? Et pourquoi pas avant, ou après ? Pourquoi tant de questions sans réponse ?

Depuis ma position latérale, je tente d'observer les lieux. Mes yeux n'ont seulement qu'un accès au plafond, ainsi qu'aux objets placés en hauteur, au-dessus d'une certaine commode. Étant trop éloignée pour que je les aperçoive, je discerne seulement des formes, colorés de teintes ternes.

Qu'est-ce que cela pourrait-il être ? 

Et surtout, depuis combien de temps peuvent-ils être ici ? Une journée, une semaine, un mois, voire une année ?

Et moi, dans tout ça ?

Avant que mon esprit vienne à se poser d'autres multiples questions sans réponse, je vois la tête d'une femme se pencher sur moi. Ses lèvres esquissent une série de mouvements, dont je ne comprends pas l'utilité. 

Se moquerait-elle de moi, en me faisant des grimaces ?

Malgré sa présence, je me sens seule au monde. Seule dans un endroit, en train de me noyer de mes propres flots, de mes propres mains.

Dans le pire des moments, elle revient. Cette douleur revient. Impénétrable, aveuglante et horrifiante, elle refait surface dans mon corps, me lancinant de ses viles lames douloureuses.

Je ne l'ai pas remarqué, mais la femme est partie, telle qu'elle est venue. Sans un bruit, sans un mot. Sans m'expliquer ce qu'il se passait, sans me dire qui elle était.

La douleur purge ma peine, et je me sens plonger. Plonger vers cet autre monde, qu'est le sommeil, où tous les songes deviennent réalité. Là où tout peut-être parfait, là où tout peut basculer en la version terrifiante des pensées.

Seulement, celui où je suis actuellement est encore plus dur. Dans ma situation, personne ne me tendra la main, personne ne se risquera pour moi. Après tout, je ne suis personne et les autres sont tout le monde.

Tout ce monde qui m'a abandonnée, laissé seule pendant tellement longtemps.

Une nouvelle tête se penche sur moi, me faisant oublier ce que je pensais. Pourtant, je le sens, j'étais si proche de trouver la solution à toutes ces questions.

Le visage sans expression, la même histoire se produit : le jeu de ses lèvres ne fait qu'agrandir ma colère, si puissante, accumulée à cette douleur invivable.

Se retournant, l'homme à qui le visage appartient, attrape quelque chose que je ne vois pas. Il me le montre dans les secondes qui suivent : une sorte d'objet en plastique, blanc et brillant.

L'homme a également une autre chose dans la main. Cette fois-çi, je la reconnais. Un stylo.

A l'aide de l'objet, il note d'une écriture leste une phrase, dont je ne peux avouer la véracité. Une phrase qui pousse ma colère à sortir de mon esprit.

Une phrase que j'attendais tant, sans vouloir me l'avouer.

"TU ES SOURDE"

J'ai le sentiment de plonger, de ne plus penser à moi-même. Ma colère s'est enfuie, elle a explosé. Alors maintenant, je la laisse faire. Je ne veux pas faire face à tous ces soucis pour le moment. J'aimerais ne jamais le faire.

✧ ✧ ✧

Lors de mon réveil. Je suis seule. De nouveau. Cette fois, plus de douleur ni d'autres. Seule moi, ainsi que mes pensées, si néfastes et négatives. Ces pensées, me faisant l'effet d'un poignard en plein cœur. Ces pensées, venant de moi-même, me faisaient juste... mal.

C'est donc cela la détresse ? Ce sentiment de ne rien être, si ce n'est qu'un pur imbécile, un moins que rien ? Ce sentiment poussant à vouloir faire taire toute négativité, pour au final ne plus rien ressentir ? Ce sentiment infernal, ne s'arrêtant jamais, si ce n'est que lorsqu'un autre a pris sa place pour de bon ?

Tout ça venant de soi-même ?

Au fond, toute cette douleur n'est pas physique. Elle se trouve juste là, dans ma tête. Dans cette tête dont je ne connais pas le nom, ni aucune autre chose.

Pourquoi je ressens tout ça ? Pourquoi, et surtout, comment ? Ne suis-je pas censée ne pas réfléchir ? Même si je ne me rappelle plus d'avant, je ne réfléchissais pas. Je le sais.

Et cette certitude ? D'où me vient-elle ?

Mes pensées s'arrêtent soudainement. De nouveau, une autre tête se penche sur moi. Une fille. Cette fois-ci, j'ai le droit à un sourire chaleureux. Un vrai.

Pas celui, d'un hypocrite, dont la femme m'a fait cadeau. Cela me désole de savoir que c'est le premier visage que j'ai vu.

Alors que je pense subir de nouveau les mouvements silencieux de sa bouche, comme tous ceux des autres, la fille se tait. Elle me fixe seulement droit dans les yeux, un regard lourd de sens.

"Tu n'es pas seule."

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