Chapitre 3

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C'est aujourd'hui. Aujourd'hui que je vais pouvoir, pour la première fois depuis que je suis réveillée, contempler le ciel bleu de mes propres yeux, sans une vitre pour m'en séparer. Même si cela peut sembler subjectif, j'ai besoin de le voir. Pour me dire que je suis sortie. Que tout ça est fini.

Sauf que ça ne l'est pas, et je le sais très bien.

Rien qu'à voir l'énorme trou noir planant dans ma tête, on comprend que tout ne va pas. Rien ne va, même, si l'on continue sur cette pensée.

"Demain, quelqu'un te raccompagnera chez tes parents. J'espère pour toi que ce changement ne te causera pas de soucis." m'avait annoncé le médecin, la dernière fois que je l'avais vu.

Ces derniers jours, passés à l'hôpital, m'avaient semblé longs. Les quelques visites de visages que je ne reconnaissais pas couvraient la douleur dont mon corps était victime.

En tentant de m'extirper du lit d'hôpital dans lequel je me trouve, je fais tomber un cadre photo, sûrement posé pendant que je somnolais.

On peut apercevoir une jeune fille, avec un groupe d'amis, un sourire béat au visage. Cette photo me donne une expression de malaise, comme si l'enfant au centre de l'image semblait feindre une douleur.

Je pose le cadre, puis je souffle. Il faut que j'arrive à me déplacer sur quelques pas, pour atteindre mon fauteuil roulant.

Je tente d'étirer mon bras, afin de tirer vers moi l'engin me permettant de me déplacer, mais l'espace entre les deux est trop conséquent. Je me retrouve à tendre le bras dans le vide, à quelques petits centimètres de ce que je veux.

J'ai l'impression de ressembler à un de ces damnés que j'ai étudié il y a longtemps, incapable d'attraper de quoi se nourrir ou de quoi se désaltérer.

Je vois soudainement entrer une infirmière dans la pièce, puis celle-ci m'aide à m'asseoir sur mon fauteuil. La manche de ma tenue s'accroche sur l'appareil, mais j'arrive à l'en défaire, sans causer plus de peine à mon corps qu'il n'en a déjà.

Je porte depuis hier soir une sorte de tenue d'hôpital, certes large et impersonnelle, mais propre. Se laver avec un corps tout endolori est une épreuve. J'ai bien failli me briser la mâchoire tellement je serrais les dents, pour ignorer la douleur, quand j'ai pris une douche.

Je gratifie la femme d'un sourire, puis me concentre sur ce que je vois, devant moi.

Elle commence à me pousser, puis je vois le paysage de l'hôpital défiler devant moi. Des portes, menant aux chambres, des fenêtres, laissant une vue sur l'extérieur, les lumières, au plafond, créant une lueur blafarde. Tout cela est digne d'un décor de film.

Nous arrivons quelque temps plus tard dans la salle d'accueil.

J'aperçois le garçon de la veille, la tête baissée vers un objet, qu'il tient dans ses deux mains. Ses paupières battent au fil du temps, m'apaisent étrangement. Je ne sais pas pourquoi mais ce garçon dégage sur moi une aura de sérénité.

En relevant la tête, il sourit en me voyant. Il se lève du siège sur lequel il était assis, puis s'approche vers moi et l'infirmière. Il semble s'entretenir avec elle.

Un homme, sûrement quelqu'un chargé de veiller à la sécurité apparaît lui aussi à nos côtés. Il tend au garçon un papier, et celui-ci y signe, à l'aide d'un stylo qu'on lui a également tendu.

Une fois tous les papiers remplis, le garçon s'approche encore plus. Il se place devant moi, puis pose à terre ses deux genoux, tout en me fixant du regard. Je sens mes joues rougir.

Il m'attrape les deux mains, puis trace, à l'aide de ses doigts, une sorte de dessin. Un carré et un... autre carré ?

Voyant que je n'y comprends pas grand-chose, il sourit, puis sort de sa poche son appareil de tout à l'heure. J'ai l'impression de l'avoir déjà vu.

"C'est moi qui te ramène chez toi. Tu te sens prête ?"

Oh que oui, je me sens prête. Je le suis même depuis le premier jour où je me suis réveillée. Dès le premier jour, j'ai voulu m'envoler, loin de cet hôpital, ce lieu empestant la mort et la maladie.

J'acquiesce d'un hochement de tête.

Le garçon se lève, puis commence à pousser mon fauteuil à l'extérieur. Je peux déjà sentir l'air frais passer à travers mes cheveux.

✧ ✧ ✧

Je suis dans une voiture, sur le côté passager. En mouvement. Un frisson me parcourt, quand nous passons près d'un lac, sans que je ne sache pourquoi.

Une image s'abat subitement sur mon esprit.

Un pare-brise plongeant d'un coup dans de l'eau, provoquant de ce fait des éclats volants de verre.

Je chasse rapidement cette pensée de ma tête, puis me concentre sur l'instant présent. Elle provient sûrement de quelque chose sans importance que j'ai dû voir avant mon... problème.

Une main se pose sur la mienne, celle que j'ai laissé sur la console centrale. C'est sa main.

Je tourne la tête vers lui, puis le voit. Il est concentré sur la route, souriant légèrement. Dans ma poitrine, je sens mon cœur battre à toute allure.

Badoum.

Badoum.

Badoum.

L'atmosphère est étrange.

J'en viens à penser à nos retrouvailles. Un sentiment de malaise se crée en moi, un sentiment de honte. Je veux me cacher, me faire toute petite.

Quelle gourde j'ai été, de me moucher dans son mot !

Je me sens une nouvelle fois rouge comme une tomate, gênée par ma bêtise. Elle est certes sans gravité, mais je m'en veux tout de même. Pourquoi avoir cru qu'il me tendait un mouchoir ?

Après de longues minutes sans que rien ne se déroule, nous arrivons quand un quartier plutôt mignon, dont les maisons ont toutes un toit de briques orangées. Le même orange qu'un coucher de soleil.


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