Chapitre 4

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J'attends ce moment depuis tellement longtemps. Pouvoir rentrer chez moi. Retrouver ma famille, des gens qui m'aiment et me soutiennent. Même si, pour moi, leur simple évocation ne me dit rien, j'espère secrètement qu'ils ne m'en voudront pas. Qu'ils m'acceptent comme je suis, comme une personne qui a perdu la mémoire.

Une fois la voiture du garçon garée, je prends le temps de me détacher, puis j'ouvre la portière.

Sa main se pose sur mon bras, et je me retourne.

Il me regarde, avec des étoiles dans les yeux. Ce même regard que j'ai auparavant vu tant de fois. Ce même regard que j'ai sûrement oublié, perdu au tréfond de ma mémoire.

Je lui sourie, puis, excitée comme une puce, lui fait comprendre que je veux sortir.

Je ne peux pas encore parler. On m'a prévenue.

Même si les médecins se refusent à me dire depuis combien de temps je suis dans un sommeil artificiel, je me doute bien que je dors depuis un petit moment, pour qu'ils m'interdisent formellement de parler, ne serait-ce qu'un petit chuchotis.

Depuis mon réveil, je me tais donc.

Le garçon sort de la voiture, pour aller chercher mon fauteuil roulant. Je ne peux non plus toujours pas marcher, mes jambes sont trop peu musclées pour supporter mon poids.

Il faudrait que je lui demande son nom d'ailleurs. Mais comment lui avouer qu'au fond, je ne me rappelle de rien, ni même de lui ?

Appréhendant cet horrible moment qui va inexorablement arriver, je fais mine de rien. Il faut que je lui fasse croire que je contrôle la situation. Où est donc passée mon excitation de tout-à-l'heure ?

Lorsqu'on m'ouvre la portière, je souris. Je m'assois dans le fauteuil, puis lance un regard émerveillé au quartier. Émerveillé, mais en même temps apeuré.

✧ ✧ ✧

Je découvre un salon, composé d'une télévision, posée devant un canapé gris, d'une table à manger, placée près d'un buffet, laissant une vue sur une petite cuisine. Un couloir s'échappe sur la droite, menant sûrement à d'autres pièces. Je peux également apercevoir les quelques marches d'un escalier, derrière un mur.

Un couple s'approche de nous.

Mes parents.

Après nous être garés et sortis de la voiture, j'ai vu le garçon toquer à la porte. Sans que l'on le lui ouvre, il est entré. Une des deux personnes du couple a dû lui dire de rentrer.

Nous nous tenons maintenant ici, moi assise et derrière moi, le garçon debout.

Un frisson parcourt mon corps tout entier, que je prend pour du stress. C'est le second de la journée.

La femme se rapproche une nouvelle fois. Cette fois-ci, je parviens à sentir son parfum.

Il me rappelle ces petits biscuits que je décorais en hiver, pour les manger juste après, même si le goût ne me plaisait vraiment pas.

Celle que je prends pour ma mère se baisse, puis me fait une enlaçade. Pas un câlin, comme si elle n'avait pas vu sa fille depuis plusieurs années. Seulement un rapprochement, froid. Je sens son souffle au creux de mon oreille.

Elle se retire ensuite, puis c'est au tour de l'homme de faire son petit numéro.

Après l'étrange vague de compassion de mes parents, mon père se dirige vers le garçon, puis semble lui murmurer quelque chose à l'oreille. Je ne vois pas pourquoi il prend la peine de le faire. Il semble visiblement lui indiquer que je suis entre de bonnes mains, et qu'il peut se retirer.

Mon Piano SourdWhere stories live. Discover now