Chapitre 10

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Je suis perdue.

Il y a trop de gens pour moi.

Je n'arrive même pas à imaginer le bruit que j'aurais pu entendre, si je n'aurais pas été sourde.

J'ai très sûrement l'air d'une demeurée, à me tenir contre les murs, pour avancer. Mais c'est la seule solution qui puisse s'offrir à moi.

A la pensée de mon fauteuil roulant, attendant patiemment à l'arrêt de bus, une envie de souffle du nez s'empare de moi.

Mais ce n'est pas le moment de rire.

Il faut que je trouve la borne de la gare pour parvenir à acheter mon ticket, et essayer de ne pas rater mon train, qui m'amènera chez ma grand-mère.

"Portes 1 à 29"

Le panneau qui se dresse au-dessus de ma tête affiche une suite de mots étranges. Pourquoi donc ici, les portes seraient comptées ?

Et puis, où sont-elles donc ? Je ne vois aucune porte, seuls ce qu'il me semble être un millier de personnes et de hauts se situent dans mon champ de vision.

Mon regard se porte sur une petite-fille, tenant la main d'un homme, sûrement son père. Une femme se tient à côté d'eux, avec, à la main, une imposante valise.

J'imagine qu'ils partent en voyage en famille.

Peut-être savent-ils où se trouve l'accueil de la gare ?

Je décide d'essayer de les suivre, pour pouvoir leur demander quelques renseignements.

Mais cela est plus facile à dire qu'à faire. Ils se déplacent beaucoup trop rapidement pour mes pauvres jambes, trop peu musclées pour suivre leur rythme.

Je ne perds tout de même pas espoir et les suit toujours, en essayant de ne pas remarquer que la famille est en train de me distancer.

Je ne vois bientôt plus que leur tête, parmi celles de tous les autres.

Autrement dit, j'ai réussi à me perdre encore plus qu'avant.

Je me laisse tomber au sol, contre le mur, et je sens mes larmes ne pas tarder à dévaler.

Ma gorge me brûle, et ma bouche tremblote. Si il faut, je ne vais jamais réussir à sortir de ce lieu, où trop de gens sont présents pour moi.

Je ferme les yeux, et seul le vent frais provenant de je ne sais où me rappelle que je suis en vie. Le silence continuel fait maintenant partie de moi.

Trois petits points.

Ce que je ressens sur ma main.

Trois petites pressions, ne pouvant qu'être créées par quelqu'un.

Je tourne la tête, après avoir frotté mes yeux, pour leur signaler que tout va bien. Pas besoin de pleurer, enfin, pour le moment.

S'il faut que je pleure, je préfère le faire loin de tout le monde, où personne n'en saura jamais rien.

Un vieil homme, reconnaissable par ses quelques cheveux blancs, me fait face. Un sourire édenté m'est offert, et son visage se veut chaleureux, je le vois bien.

Je souris en retour, puis penche la tête sur le côté, pour lui montrer que je ne comprend pas ce qu'il veut de moi.

Indiquer à tout le monde de cette façon que n'ai pas une façon "normale" de communiquer commence, petit à petit, à m'horripiler.

L'homme attrape alors un bout de papier, déchiré, puis commence à écrire, à l'encre d'un bâton humide.

Vous allez bien ?

Si je vais bien ?

Toujours la même question.

Je mens et hoche la tête, mon mensonge caché derrière un sourire qui se veut sincère.

L'homme attrape un chapeau, à l'envers, puis me le tend. En son creux, je peux apercevoir une petite dizaine de pièces aux couleurs de bronze et d'or.

Je fixe l'objet, sans comprendre le message qu'il essaie de me faire passer.

Après qu'il ait agité de façon douce plusieurs fois le chapeau, je comprends enfin qu'il souhaite me donner quelques unes de ses pièces.

Je refuse d'un mouvement de main, puis gratifie sa gentillesse d'un sourire. C'est pourtant lui qui est dans le besoin, alors, pourquoi cette action si altruiste ?

Et pourquoi les personnes les plus dans le besoin sont celles qui offrent facilement leurs rares biens ?

Pourquoi ce monde fonctionne-t-il de cette façon ?

L'homme remarque mon air troublé, puis arrête d'agiter sa main. Il repose à terre son chapeau rempli d'argent puis se lève.

J'ai encore réussi à décevoir une énième personne, alors que je viens à peine de la rencontrer.

D'abord, mes parents.

Je suis sûre qu'ils agissent de la sorte car je ne correspond pas à leurs espérances. J'ai du commettre une erreur, même si je ne sais laquelle.

Et puis, aussi, lui.

Ce garçon qui m'avait ramené.

Je n'ai plus eu aucune nouvelle, sûrement en raison de mon manque de réaction à nos retrouvailles.

Je ramène contre moi mes genoux, puis cache mon visage dans le creux que la position offre. Là-dedans, je ne pense à rien.

Je ferme les yeux, puis tente de m'endormir.

Au diable le train.

✧ ✧ ✧

Un tapotement timide m'oblige à lever la tête.

J'ai dû grogner, car un courant d'air m'indique qu'un espace s'est creusé entre mon tapoteur et moi.

Je lève les yeux vers la personne, puis la découvre.

C'est l'homme de tout à l'heure.

Il tient une paire de béquilles dans ses mains. 

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