Démons

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Démons.

Peu à peu ces derniers font surface, sous la parfaite carapace que je me suis forgée au fil du temps.

Les cauchemars et visions d'horreur me hantent, me terrifient alors que peu à peu, au sein d'une obscurité singulière et particulièrement envoûtante, je sombre dans les bras d'un Morphée enivrant. Ce dernier semble avoir revêtu une ténébreuse cape, lui conférant un pouvoir à l'apparence angélique mais qui me frappe d'une prodigieuse force noire.

Je me laisse bercer dans un lit qui m'apparaît soudain inconnu et presque effrayant.

Les visages de mon enfance ne sont plus que des tâches morbides et floues dans un océan d'obscurité. Un vortex sans fin.

Je ne perçois même plus le mouvement des vagues, trop lointaines. Et n'ai plus le plaisir de contempler de mes orbes la surface ruisselante de cette mer tourmentée, tumultueuse.

Aussi tourmentée que moi ? Ça reste à prouver.

Mais je demeure attentive aux bruissements des algues et des branches de corail qui frôlent avec une drôle de sensation, aussi douce que tranchante, l'épiderme de ma peau ébréchée.

Oui, en effet, je suis bien à fleur de peau. Et dans tous les sens du terme.

Mais je ne possède désormais même plus ce réflexe de me débattre vainement dans l'eau ensorcelante.

Je me laisse emporter par le courant, tout aussi tourbillonnant qu'impressionnant.

Ceci est une lettre de détresse, qui ne sera sûrement jamais lue. Et je n'ai sincèrement plus le courage d'en dire davantage.

Mais tout ce que je peux encore écrire, c'est que lorsque je me réveille enfin de ce songe morose et horrifiant, j'ai encore les poils hérissés mais surtout, je sens sur moi le regard calculateur et odieux, malveillant et glacial de plusieurs personnes à mes côtés, me scrutant fixement de leurs pupilles brillantes d'une curiosité malsaine et dénigrante.

Je ne peux plus rester là. Ça ne peut plus durer. Je reconnais ces gens, je le sais au fond de moi. Mais ils n'incarnent plus la tendresse caractéristique qui me faisait les aimer. Leurs visages m'écoeurent et me brisent, leurs oeillades et leurs messes basses ne sont pour moi qu'une dure réalité, aussi pourpre et cassante qu'une mélodie plein de fausses notes.

Alors avec rancoeur et à contre-coeur, je me replonge dans ce cauchemar jalloné de chemins menant au grand nulle-part, où il n'y a aucune issue, là où je m'enfonce profondément à l'intérieur d'un océan plein de vices et de larmes, mais aussi le seul endroit où je ne les vois pas me toiser avec autant d'insistance et de méchanceté.

Je m'enfonce éperdument dans un vortex abyssal, mais personne ne viendra me chercher. Et je n'ai plus aucune aide à ma disposition, plus aucune main qui se tend dans ma direction. Je préfère encore cette douce symphonie acariâtre et profondément triste, que cette dure réalité dont les notes rigides et cassantes me laissent de marbre, me teintent d'un effroi considérable, me clouent sur place et m'abandonnent à la merci de leurd regards perçants.


Mes démons.

| 𝐏𝐎𝐄𝐓𝐑𝐘 𝐁𝐎𝐎𝐊 |Where stories live. Discover now