Chapitre 28 - La sorcière et la banshee

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Yhrice n'y crut pas lorsqu'elle atteignit Giléanne.
Elle ne sut combien de temps elle courut mais, lorsqu'elle pénétra entre les premières maisons de la ville, le jour colorait l'horizon sur la robe de la nuit et ses paumes étaient aussi égratignées que ses genoux à cause des nombreuses chutes qui avaient ponctuées sa fuite éperdue.
Épuisée, dévastée, effrayée, elle avait peiné à tenir sur ses jambes et seule la crainte d'être rattrapée par Olaphas l'avait faite tenir et l'avait poussée à continuer. C'était l'unique raison pour laquelle elle s'était relevée à chaque fois et qu'elle avait continué à courir, mettant ses muscles à rude épreuve.
Elle s'écroula sur les pavés de la cité, à bout de souffle, les bras serrés autour de sa poitrine qui se soulevait à un rythme affolant. Tout son corps lui envoyait des messages d'alerte lui signifiant qu'elle avait dépassé ses limites. Elle avait l'impression qu'on arrachait des morceaux de chair à ses jambes dont les nerfs vibraient, ses poumons brûlaient, sa gorge était irritée tellement elle était sèche, sa langue était lourde dans sa bouche pâteuse et elle n'arrivait presque plus à enchaîner deux pensées cohérentes à cause de son esprit embrumé.
Sa seule envie était de se rouler en boule et de fermer les yeux pour dormir durant au moins deux jours mais elle ne pouvait se le permettre. Elle ne se leurrait pas. Elle savait que se trouver entre deux maisons ne suffirait pas. Il lui fallait une cachette, de préférence renforcée par la magie, mais elle était bien trop exténuée pour avoir recourt à un rituel.
Pour les prochaines heures elle se contenterait d'un refuge strictement humain. Tout plutôt que de retomber dans les griffes démoniaques d'Olaphas.
Seulement, elle ne pourrait pas fuir éternellement. Premièrement car elle ne pourrait jamais tenir le rythme ni vivre de cette manière. Elle craquerait dans un an, trois au grand maximum, mais elle s'en moquait. Tout ce qu'elle souhaitait était de rester aussi loin d'Olaphas que possible. À présent, c'était tout ce qui importait alors qu'il y avait quelques semaines, ses préoccupations majeures tournaient autour des préparatifs de son mariage.
Aujourd'hui, elle était seule et en fuite, cherchant à échapper à un démon d'un côté et à l'inquisition de l'autre.
Puisant dans ces dernières forces, qui provenaient uniquement de la peur dévorante que lui inspirait Olaphas, elle se releva en vacillant sur ses membres tremblants. Un vertige la gagna et elle eut besoin de prendre appui contre les murs qui se succédaient les uns aux autres pour tenir sur ses jambes, qui ne demandaient qu'à se dérober sous son poids.
D'un pas lourd, elle reprit son chemin mais sans courir. Dans son état actuel, cela s'apparenterait à un suicide.
Elle tourna au premier angle qui se présenta et qui n'était qu'à quelques mètres mais sans se soucier de la direction qu'elle prenait, ne pensant qu'à mettre le plus de distance possible entre elle et son ancien démon qu'elle sentait sur ses traces. Il se rapprochait, elle le percevait, elle en était certaine. Il n'était pas loin, juste derrière elle.
La peur lui conféra un regain d'énergie et, tenant sa jupe d'une main alors qu'elle s'agrippait aux pierres des murs de l'autre, elle accéléra le pas comme elle le put, buttant sur les pavés, se cassant les ongles tant elle serraient les briques et la tête lui tournant.
Marcher sans but dans la ville n'aurait pas suffi pour qu'elle soit sauve. Dans son dos, c'était comme si la présence d'Olpahas devenait plus grande et que son aura maléfique croissait. Elle ne se laissa pas paralyser par la crainte et elle se jeta lourdement contre la première porte qu'elle trouva.
Fermé à clé, le battant ne s'ouvrit pas. La peur refermée sur ses entrailles comme les mâchoires d'un animal cruel, elle tambourina contre la porte en appelant à l'aide n'importe qui voudrait bien l'écouter.
Personne ne lui répondit. Une des fenêtres du premier étage de la maison contre la porte de laquelle elle s'acharnait s'ouvrit. L'habitant jeta un regard à l'extérieur en s'éclairant d'une chandelle puis, constatant qu'il n'y avait rien de tangible pour menacer ou poursuivre la jeune fille, il lui ordonna de déguerpir en refermant les volets.
Yhrice n'eut même pas la force de l'insulter, même en silence. Au lieu de maudire cet homme qui, de toute manière, ne pouvait pas comprendre ce à quoi elle était confrontée, elle tenta la porte d'en face contre laquelle elle frappa du plat de la main, criant à s'en arracher les cordes vocales.
Elle obtint encore moins de réaction qu'à son premier essaie. En effet, les propriétaires des lieux ne daignèrent même pas sortir pour voir ce qu'il se passait.
Yhrice ne se découragea pas. C'était de son salut dont il s'agissait. La jeune fille se précipita sur la porte voisine puis la suivante, tentant encore et encore tout en priant pour que quelqu'un ait pitié d'elle et la fasse entrer. Elle était épuisée, elle avait besoin de se reposer, de s'arrêter, de se sentir un minimum en sécurité.
Elle parcourut toute la rue ainsi à la recherche d'un asile que tous lui refusèrent. Tous la prirent pour une vagabonde qui prétendait être en danger pour entrer chez eux et les voler. Elle préféra changer de quartier lorsque quelqu'un la menaça d'avertir la garde terrestre si elle insistait encore à travers le battant de bois.
Elle se traîna donc dans une autre rue où elle appela de nouveau, espérant avoir plus de chance, que les résidents aient plus de pitié et de compassion. Elle toqua aux trois premières maisons mais, comme précédemment, on ne fit que la chasser, sur la défensive. En temps normal, Yhrice aurait pu le comprendre.
Après tout, c'était le milieu de la nuit et une inconnue débraillée les réveillait soudainement en demandant la protection contre un danger invisible dont il n'y avait trace, à part son affolement, sauf qu'elle sentait Olaphas sur sa piste, juste derrière elle alors elle ne leur pardonnait pas de la laisser dans cette situation désespérée.
Elle chuta sur les pavés inégaux en traversant la rue pour gagner les habitations opposées à celles où elle venait de de tenter d'entrer.
Elle dressa son poing et l'abattit contre la porte en songeant qu'elle n'aurait bientôt plus suffisamment d'énergie pour effectuer ce geste de nouveau et ce malgré la peur qui la propulsait mais, à sa grande surprise, le battant pivota sur ses charnières alors qu'elle l'avait à peine effleuré.
La surprise lui fit momentanément oublier ce qui la menaçait et qui se rapprochait.
Tout ce qu'elle pouvait distinguer de l'intérieur était une épaisse obscurité. Intriguée mais aussi et surtout parce que c'était la seule cachette qui se présentait à elle, elle franchit le seuil en demandant, la voix enrouée à force d'avoir couru et hurlé :

Le Cri du Spectre - Tome  2 : Naufrage [Terminé]Where stories live. Discover now