Chapitre 12 - Petite tornade rousse

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Sur les indications d'Ibyse, Allonn et Yhrice s'étaient dirigé vers l'est, suivant la plage.
Quitter l'ondine avait été difficile pour plusieurs raisons.
Premièrement, échanger la sympathie débordante contre l'agressivité des pirates ne les motivait pas, même maintenant.
Ensuite, Ibyse avait tenté de de les retenir aussi longtemps que possible, n'ayant absolument pas envie de se retrouver à nouveau seule. Ils lui avaient promis, en particulier Yhrice avec qui Ibyse semblait étonnement bien s'entendre, qu'ils s'efforceraient de repasser la voir mais ils doutaient de pouvoir le faire puisque c'était un moyen de quitter l'île qu'ils recherchaient en prenant cette direction. L'ondine avait donc cherché à les garder auprès d'elle comme elle avait pu, trouvant souvent quelque chose de dernière minute et de primordial à leur dire, attaquant de nouveau Allonn à coup d'étreintes surprises, faisant rire Yhrice.
Finalement, elle avait accepté de les laisser partir à regret, sentiment partagé par l'inquisiteur et sa compagne. La compagnie de l'ondine s'était révélé plaisante et sa bonne humeur était communicative, faisant du bien au couple dont les dernières mésaventures les avaient éprouvé.
Allonn étant resté longuement plongé dans ses pensées après les explications d'Ibyse sur le brouillard blanc ainsi que sur la créature invoquée grâce à ses nageoires volées, c'était Yhrice qui s'était particulièrement chargé de la conversation avec l'ondine, du moins, lorsque cette dernière lui en avait laissé l'occasion, monopolisant grandement la parole.
L'ondine avait également eu la générosité et l'idée d'aller leur pêcher des poissons, bien que moins agile sans ses nageoires. Ils avaient mangé, avaient un peu dormi puis s'étaient séparé d'Ibyse.
Actuellement, ils progressaient sur les galets humides, glissant de temps à autre dessus.
Leurs vêtements avaient fini par sécher avec le vent et le feu, mais ils restaient tout de même dans un piteux état. Le sel avait décoloré les tissus sans uniformité, collait toujours leurs cheveux en paquets disgracieux, surtout ceux plus longs de Yhrice, et la fatigue pesait sur leurs traits. Ils auraient pu dormir, puisqu'ils s'étaient installés, mais ils n'avaient pas réussi à rester en place avec l'inquiétude au fond du ventre.
Allonn avait remis son baudrier mais pas sa tunique, qui couvrait encore les épaules de Yhrice, ni sa cuirasse qu'il tenait à la main.
Dans l'obscurité, leurs pas uniquement éclairés par la faible clarté de la lune, dont le pâle reflet se mirait sur la surface de l'océan, ils surveillaient les flots, espérant y voir mouiller le Fleuret qui leur aurait indiqué qu'ils n'avançaient pas pour rien.
Il fallait qu'ils trouvent un moyen de quitter cette île, ne serait-ce que pour leur propre survie. Yhrice marmonnait tout bas.
Si seulement elle avait eu de quoi pratiquer la magie et que cela n'avait pas risqué de tout briser entre elle et Allonn, ils auraient certainement été ailleurs depuis longtemps. Il y avait également le risque d'alourdir la nouvelle dette qu'elle se confectionnait envers Olaphas.
Allonn lui passa un bras autour des épaules et la ramena contre lui. La jeune fille cessa immédiatement de songer à son honteux passé, comme si Allonn risquait de capter ses pensées et de découvrir cette terrible vérité.
Le jeune homme s'arrêta après quelques minutes, forçant Yhrice à en faire de même. Il examina l'obscurité qui leur faisait face, sauf qu'il n'observait plus la mer comme sa fiancée mais la falaise qui formait une courbe à plusieurs mètres, les sourcils froncés.
Yhrice suivit son regard mais elle ne repéra rien, certainement à cause de la fatigue qui pesait sur ses yeux.

« Qui y a t-il ? S'enquit-elle.
- J'ai cru... J'ai eu l'impression de voir quelque chose mais je ne suis pas sûr. Ce devait n'être rien.

Allonn termina en secouant négativement la tête, soulignant la non importance de ce qu'il lui avait semblé avoir distingué et qui ne devait pas exister. Il ne s'agissait certainement que d'une hallucination provoquée par l'épuisement ou un reflet de la lune.
Quoi qu'il en était, il se remit en route sur les galets en serrant toujours affectueusement Yhrice contre lui. La jeune fille ne se soucia de rien, se fiant à l'affirmation d'Allonn et lui faisant confiance. Si il lui assurait que ce n'était rien, il devait avoir raison et elle n'avait aucune envie de s'encombrer l'esprit ou de réfléchir à cet événement anodin sans importance.
Ils suivirent la courbe de la falaise, la contournant légèrement, et ils se figèrent de stupeur, les yeux écarquillés et l'esprit peinant à aligner deux pensées cohérentes.
Face à eux, dissimulée par les falaises, s'ouvrait une crique circulaire qui semblait partiellement artificielle.
Des pontons de bois étaient installés tout autour de la falaise, permettant l'accès aux nombreux navires mouillant dans la crique, mais le plus surprenant était bien ces larges murs naturels. Des fenêtres y étaient percés, éclairées de lampes et de guirlandes de lampions. Des escaliers, également creusés dans la roche menaient à ce qui devait être des galeries et, à en juger par la légère rumeur bruyante, il y avait toute une population qui y évoluait mais, d'après toutes les embarcations qui sommeillaient, elle ne résidait ici que temporairement.
Allonn s'asséna une gifle, tentant de se remettre de cette stupéfaction et s'assurant qu'il ne rêvait pas. Yhrice se tourna vers lui, surprise par ce geste mais pas autant que de découvrir un tel endroit caché au tournant des falaises de Pi.
C'était incroyable ! Une ville aménagée dans la roche grise et qui, plus était, une ville secrète. Tous ignoraient l'existence de cette cité, elle n'était répertoriée sur aucune carte.
Comment avait-on pu conserver un lieu pareil à l'abri des regards ? C'était inconcevable.
Yhrice tourna le regard vers Allonn alors qu'il en faisait de même, le croisant. Il y avait la même stupéfaction dans ses yeux que dans les siens.

Le Cri du Spectre - Tome  2 : Naufrage [Terminé]Where stories live. Discover now