Chapitre 35 - Sortie de prison

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Krélia gisait sur le sol crasseux de la cellule qu'elle occupait depuis un temps qu'elle peinait à déterminer, à la fois à cause de la semi-obscurité qui régnait perpétuellement dans ces sous-sols et surtout à cause de la douleur qui envahissait chaque fibre de son être, y compris son esprit, obscurcissant tout, mais elle pensait que son séjour forcé se comptait déjà en jours.
Elle ne dormait presque plus, ayant trop mal, et l'épuisement la rendait encore plus sensible à la douleur.
La douleur... Elle était devenue sa compagne infatigable, sa tortionnaire qui plantait ses crocs dans sa chaire, la route qui l'amenait vers la folie. Elle ne savait dire de quelle partie de son anatomie émanait le plus de douleur tant tout son corps était une immense plaie passée au sel.
Si elle avait été épargnée lors de sa première séance "d'examen", elle n'avait pas eu autant de chance lors de celles qui avaient suivies.
L'inquisiteur, toujours le même à chaque fois, lui avait fait subir le test de l'aiguille. Le principe était de percer le corps de la personne soupçonnée avec une aiguille, pour Krélia, elle avait été spécialement faite en argent, jusqu'à trouver un endroit qui ne ressentait aucune douleur et ne saignait pas. D'après les inquisiteurs, c'était ainsi qu'on pouvait détecter "la marque du démon", là où le démon avait touché la sorcière ou, dans le cas de Krélia, l'endroit par lequel l'esprit s'était introduit dans le corps.
Contrairement à la logique, l'inquisiteur n'avait pas commencé par la marque en triangle qu'elle portait à l'épaule pour plutôt transpercer le reste de son corps. Chaque minuscule blessure avait laissé échapper une petite goutte de sang et, bien que très petites, les plaies causées par un instrument en argent se craquelaient et boursouflaient sa peau.
La marque qu'il l'identifiait comme un être à l'âme damnée avait été la dernière à se faire piquer. Le bourreau avait presque entièrement traversé son bras de toute la longueur de l'aiguille.
Aucune goutte de sang n'avait perlé et Krélia n'avait ressenti aucune douleur mais pour la simple raison que son corps était tellement envahi de souffrance qu'une blessure de plus ne faisait aucune différence, cependant, la conclusion qu'en avait tiré l'inquisiteur correspondait à la vérité.
Ensuite, ils avaient étudié ses réactions face aux différentes sortes de blessures possibles.
Ainsi, ils avaient constaté que les armes traditionnelles ne lui faisaient pas grand chose et ils avaient observé avec fascination le phénomène de cicatrisation instantanée en tentant de la ralentir, sans grand succès. Pour ce faire, ils avaient placé du sel sur l'une des ces plaies ordinaires pour observer ce qu'il se passerait. Les lèvres de la blessure s'étaient ressoudées l'une à l'autre et le sel avait brûlé sa peau.
L'un des pires moments de sa détention avait été lorsqu'ils s'étaient intéressé de plus près aux nombreuses auto-mutilations sur son avant-bras gauche, toutes à différents stades de guérison.
Sur ordre de l'inquisiteur, qui ne s'était jamais personnellement sali les mains, le bourreau les avait rouvertes, d'abord avec une lame d'acier ordinaire et ce fut comme si deux plaies se superposaient, celle fraîche se refermant et celle causée ultérieurement restant, puis il s'était servi d'une lame en argent, faisant hurler Krélia qui avait échappé quelques larmes, et, pour terminer, il avait repassé le tout au sel.
À présent, ces plaies suintaient de pue et les boursouflures violacées n'avaient jamais été aussi laides.
Il y avait également ses chaînes qui la torturaient. Les menottes qu'ils lui mettaient pour la faire sortir de sa cellule laissaient des marques qui faisaient presque songer à des nécroses et les bracelet refermés sur ses chevilles la brûlaient tant que Krélia avait l'impression qu'ils allaient terminer par lui trancher les pieds.
Pour rajouter à tout cela, la torture physique s'additionnait à la psychologique avec la présence de Milinne qui passait son temps às angloter et à se lamenter, usant ses nerfs et lassant au-delà du supportable l'esprit déjà éprouvé de la banshee.
Si la combativité ainsi que le violent et profond désire de vivre n'avaient pas été implantés dans son être par sa créatrice, cette dernière voulant s'assurer qu'elle n'abandonnerait pas sa mission, Krélia aurait souhaité mourir et se serait certainement servi de ses chaînes d'argent pour arriver à cette fin, sauf qu'elle refusait de se rendre ainsi. Elle voulait vivre alors elle continuait à subir la douleur et à souffrir.
Des pas claquèrent sur les dalles de pierres, la tirant de sa torpeur douloureuse. Elle se redressa, refusant de son montrer à terre dans une position soumise.
Étonnement, ce ne fut pas l'inquisiteur de d'habitude ni le bourreau qui s'arrêtèrent devant sa cellule mais elle était tellement exténuée qu'aucune réelle émotion ne le traversa. Elle s'en moquait et n'accordait plus grande importance à quoi que ce soit.
Au lieu de ses tortionnaires habituels, il y avait un autre inquisiteur au visage buriné, que Krélia avait déjà vu à quelques reprises et qu'elle identifiait comme un gardien. Il était accompagné d'un homme richement vêtu et enveloppé dans une épaisse cape couleur malachite dont la capuche relevée dissimulait ses traits.
Krélia fronça les sourcils en prenant appuis sur ses coudes. Que lui voulaient-ils ?
Ne se souciant pas de l'ignorer, Krélia leur cracha dessus et un peu de sang se mêlait à sa salive. Ne se préoccupant guère de sa prisonnière trop faible pour faire plus que de leur cracher dessus, l'inquisiteur se tourna vers le visiteur à qui il demanda :

Le Cri du Spectre - Tome  2 : Naufrage [Terminé]Where stories live. Discover now