Numéro huit

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Assise dans la chambre d'hôpital, je voyais les infirmiers de nuit qui parlaient avec Caroline, j'avais fait ce rêve, je devais lui en parler. Elle entra en frappant, et m'adressa un sourire que je lui rendis. J'appréciais vraiment Caroline, j'avais l'impression que nous étions si proches.

— De quoi voulais-tu me parler ? me demanda t-elle.

— C'est à propos d'un rêve que j'ai fais, je pense que c'est réel. À présent, je me souviens de ce qui s'est passé avant que je sois ici, enfin du moins, lorsque j'avais onze ans. C'était il y a dix ans. Est-ce normal que je l'ai oublié ?

— Parfois, la mémoire efface certains souvenirs car nous le souhaitons, ces souvenirs sont remplacés par d'autres, ce qui expliquerai que tu n'ai aucuns souvenirs de ta vie d'avant. Sauf par rêves.

Je lui apporta le carnet dans lequel j'avais soigneusement tout noté. Mot pour mot. Geste pour geste. Morts..pour morts. Elle s'en alla et me promis qu'elle le lirait demain matin. Elle me souhaita bonne nuit, et ferma délicatement la porte.

Fermant les yeux pour atteindre de nouveaux souvenirs inaccessibles, je m'endormis comme un enfant après une longue journée de marche.

Je voulais me réveiller, mais en vain, j'ouvris doucement les yeux et constata que j'étais attachée sur un lit. Les chevilles sanglés, et le corps enveloppé dans une camisole de force. Je ne faisais décidément plus la différence entre le réel et mes rêves. Et maintenant, impossible de dire si j'étais toujours à l'hôpital ou dans un rêve. Il fallait que je vois mon visage.

Tant bien que mal je réussis à crier si fort qu'un infirmier entra et cria : — elle est réveillée !

— Excusez moi, jeune infirmier. Je me permet de vous poser la question, quel âge ai-je ?

— Ça fait trois ans que t'es ici, tu es venue ici à tes onze ans. Tu as donc..

— Quatorze ans, d'accord merci !, je l'avais coupé, mais peut importe.

Ils m'avaient enlevés tous ces matériels qui me maintenaient calme. J'avais bénéficié d'un repas. Ce n'était pas le grand luxe, mais c'était déjà ça. Et pendant tout mon temps libre dans ce rêve réaliste, je passais mon temps à contempler ma chambre. Elle n'était pas si belle que ça, mais j'essayais de m'y intéresser, histoire de faire passer le temps. La chambre était assez petite, mais il y avait assez de place pour un bureau et une chaise, ainsi qu'une armoire pour ranger mes affaires et mon lit. Ça ne paye pas de mine, ai-je pensé, mais je me disais que certains, même pas fous, avaient moins que moi.

Le réveil me bousilla les oreilles lorsqu'il sonna six heures du matin. J'avais oublié que j'avais mis ce foutu réveil. J'oubliais tout en ce moment, à vrai dire.

Caroline frappa à la porte. Elle entra sans m'adresser de sourire, son visage était éteint.

— Il faut qu'on parle.

Je ne m'attendais pas à cette visite. Elle s'approcha lentement de moi, son souffle était calme, à peine audible. Caroline sortit de son sac un vieux carnet qui dégagea aussitôt un relent horrible, mais cette odeur me rappelait quelque chose.

— Il me semble que c'est à toi, me murmura t-elle en esquissant un sourire.

Je n'osais pas ouvrir ce carnet de peur de violer mon ancienne vie. Je le glissa sous mon oreiller et promis de le lire à mes heures perdues. J'avais tout le temps qu'il me fallait. Ici, enfermée.

Caroline n'avait pas l'air d'humeur à parler et à rire. Pourtant, si elle était venue ici, c'est qu'elle avait quelque chose d'important à me dire, ce carnet aurait pu attendre notre séance de thérapie habituelle. Tout ça n'étant pas clair, je décidais donc de lui tirer les vers du nez.

— Qu'est-ce qui vous amène ici ? dis-je sur un ton interrogatif.

Elle s'était levée et avait commencé à regarder vers la fenêtre. Elle me tournait le dos et j'avais bien peur de ce qu'elle avait à me dire. Mais lorsqu'elle comprit que je la regardais et que je commençais à m'inquiéter, elle m'a adressé un de ses nombreux sourires que j'adorais.

— J'ai lu ce carnet. J'ai commencé à croire que tu m'avais menti. Je ne sais pas, j'ai juste peur de ce qui pourrait m'arriver en restant à tes côtés. Tu sais, parfois les gens font des choses et le regrettent par la suite. Tu n'es qu'un cobaye, tout ça c'est arrivé par ma faute. Je suis désolée si on t'as infligé ces tortures pour accéder à ton passé. Je ne voulais pas en arriver là.

Je me suis levée. Je ne voulais pas l'effrayer, mais je voulais seulement la prendre dans mes bras. Dans mes rêves elle était là pour moi mais je ne pouvais pas la prendre au creux de mes bras. Je me suis avancée, et elle s'est approchée. Ses yeux scintillaient, je n'en revenais pas. Elle pleurait. Lorsque j'ai essayé de la prendre dans mes bras, elle s'est reculée, Caroline s'était renfermée.

— Je suis désolée, je..je ne peux pas, c'est encore trop tôt pour moi.

Elle a prit son sac rapidement et s'est envolée.

« C'est trop tôt pour moi », mais de quoi parlait-elle ?

Inès et CarolineWhere stories live. Discover now