Chapitre 4 : .

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      Debout devant le bureau, je fixais le calendrier que je venais d'accrocher au mur. Plus je lisais le nom des jours et plus ils me devenaient familiers. La semaine des humains commençaient le lundi. Sylvia allait au lycée tandis que Sarah restait pour le moment avec moi. Les seuls jours de repos de ma Sylphide était le samedi et le dimanche. C'était tout banal mais encore tellement nouveau pour moi! Une croix rouge avait été tracée à une extrémité du damier blanc. Il marquait le jour de ma montée à la surface. Le jour où mes Sylphides m'avaient trouvé. Je balayais les cases vides des yeux. Je n'avais pas envie d'y penser,et pourtant, je ne songeais plus qu'à ça depuis que j'avais vu le calendrier. La Sorcière des Mers m'avait prévenu. Elle viendrait prendre ma voix dans deux semaines. Rien que d'y penser, j'en avais la chair de poule. (J'aimais bien cette expression. Maintenant, ne me demandez pas à quoi ressemble une poule...) Fixant à nouveau le calendrier, je me mis à compter silencieusement. J'étais remontée depuis plus d'une semaine. Nous étions à la mi-avril. Bientôt, je devrais céder ma voix. Cette perspective était très loin de me réjouir. Je comptais encore une fois le nombre de jour me séparant de la fin de la deuxième semaine. En temps humain, il ne me restait pas plus de trois jours. Du point de vue des sirènes, il me restait environ cinq jours. Je priais pour que la sorcière ne connaisse que le calendrier aquatique mais quelque chose me soufflait qu'elle en savait beaucoup plus que moi sur le monde d'en haut. Et si mes intuitions étaient bonnes, alors il ne me restait plus que trois petits jours avant de...

J'inspirais pour refouler la panique qui me saisit doucement. J'avais un objectif, je ne devais pas l'oublier. J'avais beau me le répéter, les quelques jours que je venais de passer dans une insouciance totale me manquaient incroyablement. Prendre conscience du temps qui s'écoulait, c'était se rendre compte que je ne pouvais rien contre lui. Je ne pouvais rien pour le ralentir, rien pour le contrer et en un rien de temps,les jeux seraient fait. Je m'intimais doucement au calme. Les paupières closes, je sentais plus que jamais le vent frai et l'odeur de la mer, le goût du soleil sur ma peau et les murmures réconfortants des vagues non loin. Il fallait que je me concentre sur tout ça. Il fallait que je me batte pour garder toutes ces sensations nouvelles et toutes la magie de cette nouveauté. Lorsque je rouvris les yeux, ce fut pour me retrouver à nouveau face à ce damier vierge. Et c'est là que je les remarquais pour la première fois. À coté de la date et du jour, il y avait un petit dessin. Un rond qui se remplissait progressivement pour devenir totalement noir ou se vider jusqu'à ne laisser que le contour d'une sphère. J'arquais un sourcil. Ces dessins m'étaient vaguement familiers. Mais où est-ce que je les avais vu déjà?

Au bout de quelques minutes à me creuser les méninges, à m'approcher puis à me reculer du calendrier et à changer de point de vu en espérant trouver la réponse dans mes souvenirs, je déclarais forfait. Je décrochais doucement le précieux bloc avant de me diriger vers la chambre de Sylvia.



         -Dis Sylvia, ça veut dire quoi ça?

Ma Sylphide releva gravement son regard vers le mien. Dire que je la dérangeais aurait été un euphémisme.Bon, au moins, elle ne me jetait plus des regards assassins.Lentement, je lui tendis mon calendrier et lui indiquais les croissants. Je notais distraitement au passage qu'un livre de mathématiques était ouvert devant elle. Sylvia soupira puis me dit comme si c'était la chose la plus évidente au monde:

-Ces petits dessins représentent la progression de la lune. Là, ce sont les nuits sans lune -elle m'indiqua la sphère toute noire-, et là, elle est pleine -ce faisant, elle me montra les autres lunes. Celles qui semblaient vides.

Maintenant que j'avais l'explication, je devais admettre que oui, c'était tout simple. Pourquoi n'y avais-je pas pensé plus tôt? Même nous nous guettions la lune! Son influence sur les marées étaient plus que concrètes alors pourquoi ne l'avais-je pas deviné plus tôt? Tandis que j'affichais une mine défaite, Sylvia elle me fixait avec une certaine malice. Visiblement, cela lui plaisait de savoir le plus souvent (la majorité du temps, en fait) des choses que j'ignorais. Je soupirais puis tournais les talons. Ce n'était pas juste. Pourquoi ma Sylphide devait-elle en savoir plus que moi?

Blue Océan : Seconde partie: (en suspens)Where stories live. Discover now