Chapitre 6. S'échapper.

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CHAPITRE 6.

S'ÉCHAPPER.

Mon père doit aller chercher Julie et leur œuvre. Je demande si je peux me rendre à l'hôpital en voiture avec lui, parce qu'il caille, et il est d'accord. Je précise que je rentrerai pas avec eux, bien sûr, que je veux passer mon samedi avec Armel. Voilà, j'ai dit son prénom. Mon père se contente de hocher la tête. Je suis ni déçu, ni vexé, il est conforme à ce qu'il est, et l'essentiel, c'est qu'il m'interdise pas de voir mon copain. Quand on se sépare devant les ascenseurs, il a quand même la réflexion qui tue.

— Tu ne viendras pas te plaindre après. Tu assumeras, il me lance.

— T'inquiète pas, je fais, j'ai jamais compté sur toi pour ça, je réplique avant de m'éloigner.

J'aime bien mon flegme, mon calme. M'énerver, ça lui montrerait que je gère pas, que je suis faible. Je le suis pas. Je suis fort. Pour moi, pour Armel. Mais je sens qu'un truc va pas avant même d'entrer dans la chambre. Je suis en train de développer une sacrée forme d'intuition, moi. Y' a aucun médecin, aucune infirmière, juste Armel, dans son lit, et sa mère. Elle a l'air vraiment défaite. Elle a pleuré, ses yeux sont rouges et gonflés. Et Armel, lui, il a une expression têtue que je lui connaissais pas. Et des cernes immenses.

— Lucas, fait Isabelle d'une voix suppliante, dis-lui, toi.

— Quoi ? je demande. Qu'est-ce qui se passe ?

— Armel a été malade cette nuit.

— Je vais mieux, je me suis repris, rétorque Armel. Je veux me montrer fort.

— Il veut se promener dehors avec toi aujourd'hui ! lance Isabelle.

— Tu veux pas attendre ? je demande à Armel.

— Non, il fait, buté. Je sais que je peux.

— Ils en disent quoi, les médecins ? je m'informe.

— Ils s'y sont pas opposés, m'apprend Armel. Parce que ça changera rien, je suppose. Et si je peux marcher, pourquoi je m'en priverais ?

Il regarde sa mère droit dans les yeux, avec amour, et détermination.

— N'aie pas peur, il reprend. Tu as déjà tellement fait, tu le sais bien. D'accord ?

— D'accord, elle accepte.

Elle se dirige vers l'armoire, à droite de la petite salle de bain. Sur les étagères, y'a beaucoup de vêtements pliés, des t-shirts, des bas de joggings, tout ce qui peut être pratique à l'hôpital, quoi. J'aperçois aussi les chaussettes, les sous vêtements, son intimité. À gauche, y'a des jeans sur des cintres, et un manteau, qu'elle prend, avec l'écharpe qu'il y a dessous. Elle se tourne vers nous, elle hésite.

— Tu vas avoir froid, Armel, elle dit. Ton pyjama est bien plus fin qu'un jean.

— Alors je vais mettre un jean, il dit joyeusement.

Isabelle apporte donc un jean sombre, et un pull noir avec des rayures bleues. Armel, il enlève le haut de son pyjama, le bas, et il se retrouve en sous-vêtements blancs. Il est maigre, mais pas autant que j'aurais cru. Il aurait besoin de se remplumer, c'est sûr, mais il est beau. On voit juste sa fragilité.

Sa mère l'aide à enfiler le jean, à passer le pull, puis le manteau. Elle retourne à l'armoire, prend une paire de Converse grises usagées. Je vais au-devant d'elle, je les lui prends des mains.

— Assieds-toi, je dis à Armel, qui m'obéit, et pose ses fesses dans l'immonde fauteuil orange.

Je lui mets ses Converse, je fais les lacets et je les rentre à l'intérieur, comme je fais pour moi. Il m'observe, avec son air si sérieux. Et quand il se remet debout, je suis bluffé. Avec son jean brut, son Duffle Coat bleu marine, il a l'allure d'un mec qui pourrait sortir de mon bahut. Voilà ce qu'il donnerait dans la rue. Il enroule son écharpe autour de son cou, et elle s'accorde parfaitement avec son bonnet bleu.

Forever LoveWhere stories live. Discover now